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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

La Flamme
de Jorge Gonzalez
Dupuis - Aire Libre 2020 /  39 €- 255.45  ffr. / 276 pages
ISBN : 9791034737222
FORMAT : 24x31 cm

Des pieds et des mains

Dans la famille Gonzalez, il y a le grand père, José, footballeur de talent, repéré dès l’enfance au sein du tout récent Racing club d’Avellaneda, et qui devint une gloire nationale. Un joueur de talent, charismatique, dont la chevelure rousse flamboyante le désignait à l’attention du public. Surnommé la Flamme ou le Ruso, José Gonzalez excellait dans une figure, le ciseau, qui fut sa signature sur les terrains, une figure que son fils Jorge, peine à exécuter avec autant de talent. Mais Jorge, fils obéissant, aime le foot et joue… même si il a déjà opté pour une autre vie : il veut être architecte, étudier, réfléchir. La troisième génération, celle de l’auteur est plus complexe : Jorge, son père, lui a donné son prénom et aurait bien aimé lui transmettre le gène du foot, mais le petit Jorge na pas envie de jouer au ballon, comme il n’a pas envie de perpétuer la tradition sportive initiée par son grand-père. Il veut dessiner. Quant à son frère Hernan, même dilemme. Affaire de vocation sans doute. C’est peut être son fils, Mateo, chevelure rousse comme l’ancêtre, qui reprendra le ballon…

Qu’il est beau cet album : quatre générations, entre l’Argentine et la France; quatre générations hantée par une figure, celle du grand-père, et un sport, le football. A travers le foot, c’est l’histoire d’une filiation, de silences aussi entre des hommes qui ne parviennent pas forcément à communiquer, entre un père déçu par son fils et un fils fasciné par son père, dont il collectionne les coupures de presse. C’est aussi l’histoire du départ, de l’émigration sur un autre continent et de ce que cela veut dire en terme de lien familial (ou comment entretenir une histoire en s’en remettant à une tradition sportive). C’est enfin et surtout un immense album sur la paternité, sur la complexité d’être un père, entre autorité, modèle et affection. Et comment cette paternité évolue depuis le début du siècle, ou comment la figure du père s’est humanisée.

L’auteur explore son histoire familiale comme il explore les techniques : on passe d’un récit très détaillé à des esquisses, des tableaux presque surréalistes. Il y a là une maîtrise, et une poésie, qui rappelle Nicolas de Crécy, mais aussi, parmi les grands argentins, Carlos Nine ou Alberto Breccia, un album dont la densité (dans l’émotion, finement décrite) et la justesse vont de pair avec la fantaisie graphique. Du grand art, dédié pas seulement au football, mais surtout aux pères et aux fils. Magnifique.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 21/09/2020 )
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