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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Partir un jour
de Manu Boisteau
Casterman 2021 /  21 €- 137.55  ffr. / 126 pages
ISBN : 21x29 cm
FORMAT : 21x29 cm

Du rêve à la réalité

Travail, couple, quarantaine… Manu en a marre, et même plus encore : la vie de bureau répétitive et vide, le couple en conflit, la quarantaine chauve et bedonnante, etc. Alors tout quitter ? « Partir un jour » ? Pour aller vers quoi ? Sans doute un rêve, un grand projet, une quête de sens qui passe par la réalisation d’un grand œuvre (un roman) et une grande histoire d’amour. Et le chemin est long, et compliqué : les obstacles sont nombreux, à commencer par le confort du quotidien répétitif, le salaire qui tombe, la compagne qui est là (même de mauvais poil), l’absence de page blanche à noircir et le charme de remettre à demain les grandes illusions. Heureusement, Manu a quelques alliés : un psychanalyste, un hypnotiseur… et surtout des rêves révélateurs, un surmoi impitoyable comme un chien de garde, un moi du futur branché et rassurant, et peut être aussi une jolie éditrice qui s’intéresse à lui. Il a même des amis, qui à l’occasion s’intéressent à son projet. Bref, il a tout pour partir un jour… alors il se lance, armé d’un bonzaï, d’un clavier et de son imagination… Presque trop facile ! presque…

Il est joli, cet album en forme de confession/récit/journal intime. On se met à la fois dans la peau du personnage, dont on partage les rêves, les envies, les doutes, et même les plus petits moments de mesquinerie ou de tromperie. Et dans le même temps, le lecteur est dans une position surplombante, observant de haut ce héros aux prises avec tout ce qui peut le limiter, et transformant cela en motif à rire ou sourire. Car on rit, on rit pas mal, avec de la compassion, de l’empathie même. On rit peut-être aussi en admirant, au fond de soi, les efforts de quelqu’un qui s’est jeté dans ses rêves, qui, sur un coup de tête, a décidé d’être heureux, et qui doit pour cela faire le ménage. C’est un rire parfois simple, souvent sombre, même un peu gêné, mais c’est un rire en sympathie, qui débouche sur quelque chose de l’ordre de la quête. Comme tout bon héros, Manu rencontre des obstacles et se débat, les affronte, se ramasse, se relève, repart au combat. Le graphisme, sobre, est particulièrement efficace quant aux rêves de l’auteur, très kafkaïens pour le coup, et à cet égard, le monde onirique semble bien plus réel, bien plus authentique que la réalité du héros. C’est bien trouvé, de même que les divers protagonistes (le surmoi notamment) : cette dimension doucement psychanalytique donne à l’album un style très singulier, à la fois simple et subtil, comme une bonne analyse. Un ouvrage à recommander pour crise de la quarantaine et amateurs de BD psychologique.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 04/05/2021 )
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