L'actualité du livre
Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

C'était le bonheur
de Blutch
Futuropolis 2005 /  18 €- 117.9  ffr. / 192 pages
ISBN : 2-75480-008-5
FORMAT : 20 x 22,5 cm

Trait de génie

Le label mythique renaît de ses cendres (avec l’appui de Gallimard et Soleil, mais pas celui d’Etienne Robial, autrefois éditeur du groupe) et c’est Blutch qui essuie les plâtres. Les nouvelles éditions Futuropolis affichent en ouverture un catalogue appétissant au prestigieux casting : le créateur du Petit Christian donc, mais aussi Tardi, Nicolas de Crécy, Pascal Rabaté ou David B. La bande dessinée d’auteur est donc privilégiée, et une grande attention est portée sur la qualité et l’identité de l’objet : papier, maquette, format… Chaque ouvrage sera repensé en fonction de son contenu : sus au « 46 pages » à papa !

Dans C’était le bonheur, Blutch s’éloigne volontairement de son trait traditionnel au pinceau pour retrouver l’énergie et la spontanéité du dessin rapidement jeté à même le papier, proche de l’esquisse ou du croquis pris sur le vif. Stylo à bille en main, le graphisme est nerveux et emporté, mais toujours d’une grande expressivité. Repentirs et ratés font partie du jeu, mais celui-ci en vaut la chandelle tant le résultat est épatant de justesse et de dynamisme. Certes, on quitte quelque peu le terrain de la bande dessinée pour celui de l’illustration (il pourra alors être conseillé de se reporter à l’intégrale Mitchum, récemment parue chez Cornelius), mais l’ouvrage, même s'il est en marge, n’est pas pour autant anecdotique dans la bibliographie de son auteur. Blutch parle avec malice et lucidité des histoires de couples qui vont mal et des enfants au milieu, des yeux qui louchent sur la jeune fille qui marche en face, ou encore du vieux beau et ses démêlés avec plus futée. À chaque fois, une économie de moyens est au service de l’inspiration de Blutch, cherchant le plus souvent dans le quotidien ce qui peut faire mouche, que ce soit un gag, une émotion, ou seulement un geste.

Le ton change pour chaque saynète : ici la farce devient absurde, l’humour tendre s’assombrit soudainement, et la poésie amoureuse devient polissonne. On pense à Sempé, Chaval ou même Topor, dans cette façon similaire de faire vibrer le papier avec un trait mince et d’une fausse fébrilité, et des hachures anarchiques. C’était le bonheur est une nouvelle preuve éclatante du prodigieux sens du dessin de Blutch, celui qui, au-delà de la technique et des questions du Beau, touche directement à l’expression vraie, au mouvement parfait. C’est encore et toujours du bonheur donc.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 14/09/2005 )
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