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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

Le Dernier Modèle
de Stéphane Levallois
Futuropolis 2007 /  24 €- 157.2  ffr. / 160 pages
ISBN : 978-2-75480-088-4
FORMAT : 22x30 cm

Durant l’exposition, les travaux continuent

Qui observe qui, dans le face à face du peintre et de son modèle ? Pour Stéphane tout est clair, lorsqu’il entreprend une série de dessins de nus pour une exposition. C’est un travail de commande, et les amies qu’il prend pour modèles ne représentent qu’une économie notable par rapport à des professionnelles. Mais en retrouvant ses anciennes connaissances, en les filmant, sous toutes les coutures, puis en extrayant la pose qui lui inspirera un dessin intéressant, Stéphane met en œuvre un processus délicat, où lui-même se place autant en péril que les jeunes femmes qui se dénudent pour lui.

C’est une oeuvre sur la fragilité des corps, et l’âme qui affleure derrière. De rencontre en rencontre, l’artiste s’interroge autant sur la valeur de son travail que sur les êtres qu’il représente. Quelque chose, au fond, se passe mal. Les personnages portent leurs blessures visibles par l’œil, Florence l’ancienne anorexique, qui conserve les traces de ses angoisses dans sa maigreur, ou Monette, la vieille parente petite et frêle, qui s’accroche au visiteur par les doigts. Le corps est translucide.
Stéphane, alors, cherche à décrire autre chose. Il se passionne, au contraire, pour ce qui n’est pas montré, pour l’anonyme. Ce manteau noir qui passe de modèle en modèle, parfois sexy, parfois iconoclaste. Et qui finit par prendre sa vie propre, forme en creux qui semble héberger tour à tour des corps différents.

L’histoire de ce dessinateur n’est pas toujours banale. En particulier lorsqu’il trouve dans l’appartement du dessus, censément inoccupé, une silhouette muette chaussée d’un masque à gaz qui ouvre à fond les robinets. Le fantastique n’est pas loin, le policier non plus, et pourtant selon l’auteur, le récit est « purement autobiographique ». De là peut-être certaines impressions de malaise, des éléments qui semblent recollés les uns à côté des autres, sans qu’on perçoive vraiment la géographie de l’ensemble.
Si on ne fait pas toujours le lien, on apprécie du moins la finesse du traitement. Stéphane Levallois, auteur rare qui signe ici son deuxième album, interroge sans s’interrompre notre rapport aux autres, à l’œil, au trait. Il multiplie les techniques pour rendre compte du réel, passant du flou extrême à la précision minutieuse. Ainsi, la vie s’approche, et la mort avec elle. Est-ce un hasard si le fantôme au masque à gaz prend des airs d’oiseau ou de cheval noirs, funestes ? En côtoyant la mort d’un peu trop près, Stéphane perd pied, mais les fantômes peuvent aussi se révéler bénéfiques. Malgré les ombres, une certaine paix accompagne le lecteur jusqu’aux derniers dessins.

Le Dernier Modèle, malgré ses 156 pages de bande dessinée, n’est pas très dense. Les pleins ne semblent là que pour remplir les vides. Planches muettes, cases contemplatives, l’action ne décolle jamais, sans pour autant tomber dans l’anecdotique. Le portrait est sensible, subtil ; il nous apprend à éduquer notre œil, à chercher la fragilité qui se terre dans toute ombre et dans tout regard.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 09/06/2007 )
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