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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

La Communauté (première partie) - Entretiens
de Tanquerelle et Yann Benoît
Futuropolis 2008 /  24 €- 157.2  ffr. / 176 pages
ISBN : 978-2-7548-0161-4
FORMAT : 18,5 x 26,6 cm

Mai 68 et après ?

Dans la foulée de mai 68 et de la contestation étudiante, certains sont allés parfois au bout de leur désir de rupture : partis travailler à la chaîne ou dans des communautés rurales… le mythe du « Larzac » et la vie « baba cool »… Un mythe qui a eu la vie d’autant plus dure que la réalité d’une exploitation agricole n’a rien d’un rêve pastoral, et se rapproche plus de la chaîne et de ses servitudes. C’est pourtant l’aventure tentée par Yann Benoît et quelques proches, partis s’installer dans une vieille minoterie (à retaper) pour vivre, différemment, fonder une communauté, créer de nouvelles relations, donner l’exemple d’un système économique différent, de relations nouvelles, loin de la ville… Une réminiscence des utopistes sociaux du XIXe siècle à la sauce soixante-huitarde ? Et 40 ans plus tard, que reste-t-il de l’utopie ? Bilan en forme de journal dessiné…

Car Yann Benoît est également le beau-père de Tanquerelle, auteur prolixe et très imaginatif, avec un léger brin de folie (Professeur Bell, Lucha Libre…). Le dessinateur a voulu raconter une histoire qui le fait manifestement rêver. Une histoire qui démarre dans la petite bourgeoisie confrontée à mai 68 (Yann Benoît, ainsi que son père « kamarade klaxon » font partie de ces bourgeois mal assumés qui vont voir dans mai 68 une opportunité pour changer au moins leur vie, sinon la vie). Du récit, coloré, souriant, de mai 68 et de ses impasses, on passe bientôt à celui d’une installation, des premiers pas dans la construction comme dans l’élevage – non sans maladresses, mais toujours dans l’enthousiasme – et d’une vision un peu irénique de la communauté, qui se dote d’une charte, et ambitionne de développer parallèlement le projet d’un atelier de sérigraphie. Mélange d’utopie sociale, politique et de communauté économique autonome. Et ça marche… L’un des plaisirs de cette lecture, c’est la tendresse mêlée d’enthousiasme qu’on y distingue, face aux efforts de ces jeunes urbains pour s’adapter et vivre… si « l’esprit 68 » est regardé avec une certaine distance critique, c’est sans révisionnisme ou ironie facile…

Il y avait là un défi pour poser en BD des entretiens, une conversation : défi relevé par Tanquerelle, qui alterne, dans un style sobre et poétique, les techniques (les discours situationnistes sont figurés sous forme de collages, les flash backs sont traités au lavis) pour marquer les changements d’époque, les souvenirs… De ce point de vue, l’album est déjà très réussi, dans le genre de La guerre d’Alan, d’Emmanuel Guibert, confronté au même problème. Mais c’est avant tout un beau témoignage, simple, efficace, d’une vie alternative, avec ses espoirs et ses difficultés, un récit un brin nostalgique et en tous les cas, « sympathique » au bon sens du terme. Un peu de poésie et d’espoir en BD… vivement la suite !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 02/06/2008 )
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