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Bande dessinéeet Chroniques - Autobiographie  

New York Trilogie (tome 2) - L’Immeuble
de Will Eisner
Delcourt - Contrebande 2008 /  14.95 €- 97.92  ffr. / 144 pages
ISBN : 978-2-7560-0952-0
FORMAT : 17,3x26,4 cm

À la Capra

Suite des belles rééditions des œuvres de Will Eisner par Delcourt. Ce deuxième volet de New York Trilogie comprend le récit fantastico-poétique « L’Immeuble » (« The Building » en VO) et la suite de planches façon BD-vérité, « Les Gens » (« City People Notebook »). Assemblage curieux – déjà expérimenté aux USA - les deux travaux ne partageant pas les mêmes motivations, ni les mêmes traitements, mais la thématique urbaine embobine le tout.

Avec « L’Immeuble », qui date de 1987, Eisner se lance dans une chronique à la Capra, mariant quotidien épuisant et percée d’espoir et de fantaisie. On retrouve les thèmes chers au dessinateur : la ville et ses mutations, les petites gens qui la peuplent modestement, la mémoire qui se perd, les dégâts du progrès, les traces du passé, les grands bouleversements dans une petite vie, les hasards et les coups de chance. Et le fantastique, plus rare chez Eisner lorsqu’il raconte la ville, fait son incursion : quatre fantômes se retrouvent ici au pied de l’Immeuble (un clône du célèbre Flatiron Building de Manhattan), quatre esprits ayant autrefois arpentés les trottoirs mouillés et sales d’une ville qui ne laisse pas sa chance aux plus faibles. En remontant le fil de leurs vies respectives, Eisner revient sur des chemins où le tragique l’emporte le plus souvent, où les espoirs et les envies se brisent sur le bitume. Si Will Eisner a, avant et après, été plus inspiré, ce récit à tiroirs ne manque pas de charme et propose une série de planches d’une belle efficacité, le Maître n’ayant pas son pareil pour raconter une histoire. On y retrouve ce qui, au-delà d’un dessin virtuose, a fait son style : vignettes sans cadre, chevauchement des plans, répétitions d’une image marquant le passage du temps…

La deuxième partie reprend l’étude ethno-géographique là où le premier volet de la trilogie (« The Big City ») l’avait laissée. Voilà Eisner, carnet au poing, décortiquant la ville et ses rites, ses manies de vieille fille, ses différents visages, ses évolutions, et forcément ses habitants. L’œil aux aguets, malicieux et attentif, l’homme note à l’encre tout ce qui façonne son environnement, tel un documentariste avisé, un entomologiste minutieux. Chaque petite saynète est un petit concentré de subtilité, d’humour futé et de tendresse pour tous les anonymes que croise Eisner. Situations cocasses ou simplement caractéristiques parce qu’anodines, les planches décrivent une ville un peu folle, un peu absurde (« Vu d’en-haut, le schéma des mouvements humains semble incompréhensible »), mais toujours le théâtre de sacrés événements pour qui sait regarder. Tout simplement remarquable.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 15/07/2008 )
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