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Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Naja (tome 2)
de Jean-David Morvan et Bengal
Dargaud 2008 /  13 €- 85.15  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-5050-0466-0
FORMAT : 24x32 cm

Les tueurs

On avait déjà croisé Naja dans un premier tome détonnant, à la fois très ambitieux et d’un graphisme épuré, comme une alternative féminine et manga au tout aussi époustouflant Tueur de Matz et Jacamon. Le fait est que les tueurs inspirent les bons auteurs. Avec ce deuxième tome, un premier soupir de satisfaction : la série se poursuit, et se poursuit bien. Donc on s’installe dans un fauteuil profond et on rentre dans ce nouvel opus…

L’histoire pourrait sembler simple : dans une mystérieuse organisation criminelle dirigée par un dénommé Zéro, une tueuse, Naja, se trouve tout à coup dans la ligne de mire de l’un de ses semblables, tueur autant (voire plus) réputé… Une guerre intestine entre deux virtuoses qui s’apparente à un jeu de massacre. Le premier album plantait le décor et y installait, outre Naja, quelques personnages et autant d’intrigues. On suivait Naja en quête de son frère de lait (emprisonné : c’est de famille). Avec ce deuxième tome, les choses sérieuses commencent : le duel entre le tueur n°1 et la tueuse n°3 démarre l’album, démarrage au quart de tour donc (on ne dira rien de plus…) et l’évasion du mystérieux frère (pas de nom…) de la Modelo, prison célèbre de Colombie. Deux intrigues, un fil rouge, celui de Naja.

Avec un scénario taillé au cordeau, mi-thriller, mi-action (genre XIII), Jean David Morvan fait la démonstration qu’il est aussi à l’aise dans le polar que dans la SF ou le fantastique et ce nouvel album remet d’emblée le lecteur au cœur du sujet, par une course poursuite assez stressante : un choix de mise en scène qui révèle le scénariste chevronné, sensible à la tension de ses lecteurs. Désagréable, peu causante mais mortellement efficace, Naja rentre dans les standards (ou les stéréotypes) du tueur à gage, avec ce côté survolté que le héros de Matz et Jacamon n’avait pas (plutôt flegmatique même). Une magnifique variation sur un thème porteur. Lequel est également servi par un graphisme bluffant : Bengal, qui a déjà fait montre d’un talent prometteur, celui d’un authentique mangaka européen, sensible à une esthétique du mouvement et passé par la ligne claire, demeure, dans ce second tome, fidèle aux ambitions de la série : une héroïne que rien ne semble affecter, incarnation de la froideur des Walkyries, un univers coloré, entre jet set et bidonvilles, sous le soleil colombien, et un fond glauque de souffrance psychologique, qui transparaît dans des postures, des attitudes, des regards. Le tout dans un style épuré et riche en même temps. Bref, une série graphiquement ébouriffante, tendue comme les meilleurs thrillers, et la rencontre entre deux grands talents de la BD.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 21/10/2008 )
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