L'actualité du livre
Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Jour J (tome 2) - Paris, secteur soviétique
de Jean-Pierre Pécau , Fred Duval et Gaël Séjourné
Delcourt - Neopolis / Série B 2010 /  13.95 €- 91.37  ffr. / 56 pages
ISBN : 978-2-7560-1868-3
FORMAT : 24x32 cm

Check point Raoul

Une fois de plus, l’histoire a mal tourné : Paris, 1951, la Seine est toujours là, mais l’ambiance des rives a changé. Sur la rive droite s’étend désormais la République populaire française, un État croupion intégré au bloc socialiste stalinien et dirigé par Maurice Thorez, tandis que rive gauche, c’est une France libre, défendue par l’armée américaine, et dans laquelle on paie en dollars. Bref, la guerre froide oui, mais avec un décalage d’un petit millier de kilomètres dans une Europe largement gagnée aux soviétiques…

La cause de tout cela : la fin de la Seconde Guerre mondiale et une armée russe qui ne s’est pas arrêtée sur l’Elbe, mais est parvenue jusqu’au Rhin, tandis que les Anglo-Américains se heurtaient, à Lyon, devenu «Stalingrad sur Saône» à une résistance allemande vigoureuse… Et pour couronner le tout, Paris vendu à l’armée rouge par les FTP, la résistance communiste. Bref, l’Europe rouge, ou presque. Et donc, Check Point Charlie, le mythique lieu de passage entre l’Est et l’Ouest, est transféré au Pont au Change, et Paris se trouve divisé entre un secteur Nord et Sud. Ambiance !

Une petite consolation : les problèmes Est-Ouest demeurent, et cet album décline, dans un monde alternatif, une intrigue en forme de thriller d’espionnage à la sauce John Le Carré (un personnage s’appelle d’ailleurs Smiley). L’affaire est assez banale : à Paris, un tueur de prostituées sévit, moderne Jack L’éventreur… et comme le protocole impose une enquête conjointe des deux blocs, la France libre délègue le capitaine Saint Elme, un espion interlope… lequel vient surtout relever les compteurs de son réseau d’espionnage en France populaire, un réseau organisé par des prostituées… Mais face à lui, la camarade-capitaine Donnadieu ne l’entend pas de cette oreille. Alors même qu’une importante conférence de la paix se précise, et que l’allié américain a la bombe atomique frétillante. La guerre froide risque bien se réchauffer rapidement.

En partant d’une hypothèse amusante, les auteurs se livrent à une quasi parodie de l’après guerre et, bien plus que dans le tome précédent, les détournements abondent, de même que les clins d’œil (jusque dans le graphisme) : le siège de la police populaire sis rue Lauriston (traditionnel siège de la Gestapo), de Gaulle disparu en 1945, Pasqua devenu un mafieux, etc. Autant de petites perles dispersées dans un album assez réussi. L’intrigue se tient bien, mais l’album brille surtout par la représentation du Paris «libéré», ou de ce qu’il en reste.

Si le charme des uchronies réside dans le tableau, précis, de ce qui aurait pu être, alors cet album joue à la perfection le jeu, pour une série qui fait la démonstration de la richesse à peine exploitée du genre uchronique en bande dessinée.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 05/07/2010 )
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