L'actualité du livre
Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Ô dingos, ô châteaux !
de Jean-Patrick Manchette et Jacques Tardi
Futuropolis 2011 /  19 €- 124.45  ffr. / 104 pages
ISBN : 978-2 -7548-0696-1
FORMAT : 22x31 cm

Polar far west

La rencontre, si elle eut jamais lieu, de Jean-Patrick Manchette – inventeur du polar social et militant – et de Tardi, le papa d’Adèle Blanc-Sec, eût été prometteuse : ce nouvel album, après Le petit bleu de la côte Ouest, et La position du tireur couché, confirme à la fois le talent de Tardi et la verve de Manchette. Et surtout, il donne avoir une complicité entre deux auteurs, sensibles l’un comme l’autre à un ton plus social, au détournement des codes du genre au profit d’un discours un rien militant. Dans ce nouvel opus, qui adapte un roman moins connu de Manchette, on retrouve quelques thèmes récurrents dans l’œuvre des deux auteurs : un complot, un tueur bizarre et mal barré (Thompson), une femme libre et légèrement dérangée (et légèrement dangereuse aussi), des truands un rien maladroits, voire franchement nuls… les voies du hasard.

L’histoire est celle de Julie Balanger qui, après cinq années dans une institution psychiatrique, est embauchée par le richissime Michel Hartog, un architecte qui gère la fortune de son frère, pour s’occuper de son neveu Peter, un orphelin, unique héritier de ses parents, riche et odieux. Drôle de choix : Julie est une pyromane et une voleuse, psychologiquement fragile… pas le genre de personne à qui confier un enfant. Et Hartog a des ennemis, ô combien, à commencer par Fuentes, un ex associé un rien envieux. Et d’ailleurs, ça ne loupe pas : à peine en fonction, elle est kidnappée avec son petit protégé. Heureusement, les truands sont des demi-sels, le genre pas doué, et Thompson, leur chef, a quelques problèmes gastriques qui viennent bousculer un beau plan. Enlevée, manipulée, bientôt accusée de kidnapping, Julie n’a pas beaucoup d’alternatives : quelqu’un de raisonnable se serait rendu à la police, pour éclaircir l’affaire… Mais Julie n’est pas quelqu’un de raisonnable, surtout avec un couteau entre les mains…

Une intrigue efficace, au service d’une galerie de personnages aussi délirants les uns que les autres… car le vrai charme de ce polar, c’est la cohorte de dingues lancés sur les traces de Julie et de Peter, dans un ambiance brutale qui s’apparente au far west (voir la scène dans le supermarché, d’une violence surréaliste) : pour le lecteur qui, simplement, glisse dans la folie de Julie, la fuite se transforme en une odyssée criminelle où tous les moyens sont bons pour se débarrasser des truands et de leur chef. Comme souvent avec Manchette, on quitte la civilisation, la société de consommation, et l’on se retrouve en pleine cambrousse, dans une nature plus propice aux fauves humains. Désormais très à l’aise avec cette ambiance, Tardi livre une adaptation fidèle, toujours aussi réussie.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 27/11/2011 )
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