L'actualité du livre
Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Le Train des oubliés
de Didier Daeninckx et Mako
Emmanuel Proust 2003 /  12 €- 78.6  ffr. / 60 pages
ISBN : 2848100303
FORMAT : 19,5 x 25 cm

Secret d'Etat au "pays aimant"

Dans une collection prometteuse des éditions Emmanuel Proust, Mako et Didier Daeninckx signent un polar qui prend pour cadre le Nord de la France : une région, nous dit Daeninckx, qui n’est pas indiquée par les boussoles en raison de phénomènes scientifiques, mais parce qu’elle est, avant tout, un pays aimant.

Dans ce pays aimant, une galerie de mine abandonnée explose, tuant quatre adolescents : fait divers tragique. Mais le père de l’un d’entre eux, baroudeur écologiste, ne croit pas à l’accident et mène sa propre enquête. Les corps des jeunes gens n’étaient pas brûlés : ils ne sont donc pas morts dans un incendie, comme le prétend la police.

De fait, la vérité ne tarde pas à éclater : dans cette vieille galerie avaient été entreposés, à la fin de la Seconde Guerre mondiale, des bidons contenant du Zyklon B – le gaz utilisé par les nazis dans les chambres des camps d’extermination. Pourquoi ? Pour camoufler un secret d’Etat : des entreprises françaises du Nord de la France auraient contribué, au début des années 1940, à fabriquer le gaz mortel. Les enfants sont morts d’en avoir laissé échapper.

Avec une telle histoire, reposant sur au moins un fait réel – la participation d’une firme française à la fabrication de Zyklon B pendant la Seconde Guerre mondiale –, Didier Daeninckx développe ses thèmes de prédilection : refus de la mémoire officielle de l’Etat et dénonciation des errements de la politique française autrefois (Daeninckx a déjà dénoncé à plusieurs reprises la politique du Haut Commandement pendant la Grande Guerre, la présentation des Canaques comme des sauvages anthropophages lors de l’Exposition coloniale de 1931, etc.), héroïsation du monde ouvrier (ici, à travers l’ancien mineur « Stanis » – patronyme dans lequel se lisent ses probables origines polonaises), haine des forces de l’ordre (à travers le caricatural inspecteur Simon Tamplart – référence au « Saint » de la série télévisée ? –, flic minable et assassin, tel qu’on ne le présente généralement que dans les pires dictatures politiques)…

Le style de Mako est très exactement ce qu’on appelle le dessin réaliste. Nul doute que Mako soit un excellent dessinateur ; mais son souci du détail nuit un peu à l’ensemble, pour au moins deux raisons. D’une part, l’attention qu’il porte aux décors et aux costumes finit par reléguer au second plan les visages des personnages et donc l’expression de leurs sentiments. D’autre part, le petit format de l’ouvrage (19,5 x 25 cm) conduit à présenter des planches saturées de traits, ce qui rend la lecture un peu pénible. C’est un peu dommage, car cette collection « Petits meurtres », consacrée au polar, bien brochée sur du beau papier, toute en noir et blanc, est une excellente initiative.

Sylvain Venayre
( Mis en ligne le 08/03/2004 )
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