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Bande dessinéeet Policier - Thriller  

Tard dans la nuit (tome 1) - La révolte
de Jean-Blaise Djian et VoRo
Vents d'ouest - Turbulences 2004 /  8.99 €- 58.88  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-7493-0134-3
FORMAT : 23 x 30 cm

Enquête lente au Québec

A priori, l’intrigue est bien trouvée. Tout se passe dans un gros village de l’Est du Québec, Nid-de-Roche, auquel on accède en passant par le «tunnel de la superstition». Un jour, un étranger arrive. Il vient de Québec. Une femme l’a appelé au secours… Le lecteur, lui, ne le voit guère dans ce premier tome, mais on en parle beaucoup.

Simultanément, plusieurs meurtres ont lieu : celui d’une prostituée, celui d’un gamin, celui du maire enfin – qui est également le principal pourvoyeur d’emplois du village… Le shérif chargé de l’enquête, Emile, n’est pas né ici ; mais il y a vécu adolescent. Il a même été amoureux de la belle Johanna, la femme de feu le maire («j’ai traîné pas mal de sentiments humides pour elle, adolescent»). Toutes ces histoires le perturbent pas mal, et cet ancien alcoolique se remet à boire, par petites doses.

Tout tourne autour des orphelins du village, si peu remarquables aux yeux des autres qu’ils ne sont même pas comptés dans le recensement. C’est le maire qui a fait venir ces enfants, pour travailler dans les mines qu’il possède. On se doute, très vite, que des fils secrets nouent étroitement les habitants du village, et les opposent aux orphelins. On se doute aussi que l’étranger, qui vit avec ces derniers, a quelque chose à voir dans tout ça. On se doute enfin que la belle Johanna, qui a adopté l’un des orphelins, plus qu’impliqué dans deux des trois meurtres, n’est pas innocente.

Le Québécois VoRo est un dessinateur très talentueux. Les visages des personnages sont particulièrement expressifs et l’on regrette juste qu’il ne s’adonne pas davantage au dessin de paysages. Le peu qu’il nous laisse entrevoir d’un Québec nocturne et inquiétant est admirable. Le scénario est construit sur une bonne idée – cette histoire incroyable et vraie d’exploitation des orphelins dans les mines et, parallèlement, ce qu’on devine sur la consanguinité qui frappe les habitants du village. Mais il est loin d’être convaincant, et l’on est déçu par l’absence de suspense. Le lecteur, qui voit tout à travers les yeux du shérif Emile, a bien du mal à adhérer à ses étonnements successifs. En particulier, on ne voit pas bien ce qui le pousse à songer avec un air pénétré : «Ainsi donc, Firmin ne serait pas le fils de Johanna ?» – alors qu’il vient de demander à Johanna : «Et qui est la mère de Firmin ?»… Il est pénible pour le lecteur d’avoir systématiquement un temps d’avance sur l’enquêteur. C’est bien dommage, car ce défaut de rythme dans la narration empêche Tard dans la nuit – en tous cas pour l’instant – d’être une réussite.

Sylvain Venayre
( Mis en ligne le 03/04/2004 )
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