Bande dessinée
Policier - Thriller de Juan Diaz Canales et Juanjo Guarnido
Dargaud 2000 / 12.52 €- 82.01 ffr. / 48 pages
ISBN : 2-205-04965-8
FORMAT : 24 X 32
Le chat et le lézard
John Blacksad est détective. Il fut aussi le garde du corps d’une actrice magnifique, puis son amant, jusqu’à ce que leur histoire se termine, vaincue par des circonstances dont on ne saura pas grand chose. Faire le deuil d’un amour, c’est dur, d’autant plus dur que Blacksad se retrouve face au corps mutilé de son ancienne étoile. Blacksad décide de mener l’enquête, contre les injonctions de l’inspecteur Smirnov qui voudrait le laisser en dehors de cette affaire. Ainsi commence un polar qui, dans son scénario, n’a rien de bien original, ni dans l’incipit, ni dans le dénouement.
Et pourtant... Il ne faut pas la chercher loin, l’originalité de cette histoire. Elle saute aux yeux, dès la couverture, dès les premières vignettes, les premiers plans. Les personnages ne sont pas des hommes, ce sont des animaux. Blacksad est un chat noir aux yeux verts, l’inspecteur un berger allemand, le méchant un reptile en costard. Au fil des pages, on rencontrera aussi des souris, des rhinocéros, des ours, des rats, des crocodiles, des porcs et un gorille, tous membres d’une jungle urbaine "où les hommes se comportent comme des animaux".
Métaphore générale sur la bestialité de notre espèce, le transfert du peuple animal dans une ville et une atmosphère typiquement humaines donne une force curieuse à l’album. Dans la lointaine tradition de La Fontaine et de ses fables, chacun des protagonistes est stigmatisé par le faciès qui lui est prêté: le chat est rusé et noble, le lézard agile et fourbe, le gorille fort et stupide, etc. Mais le plus impressionnant, c’est la profonde humanité qui se dégage de chacun de ses animaux. Les expressions des visages, les mouvements des corps, les regards et les attitudes, tout en eux est anthropomorphique. C’est le talent de Juanjo Guarnido d’avoir su à merveille mêler les deux aspects en chacun des acteurs. D’avoir su saisir aussi, à travers un jeu de couleurs entre pastel et vive netteté, une ambiance de polar rondement mené. Grâce à une narration qui se confond avec la parole intérieure du héros, le lecteur se laisse mener volontairement. Et ce récit l’amène à refermer l’album en se disant "déjà ?", un peu comme au cinéma les lumières se rallument alors qu’on a le sentiment qu’elles venaient de s’éteindre.
Thomas Bronnec
( Mis en ligne le 06/04/2001 )
www.parutions.com
(fermer cette fenêtre)