Bande dessinée
Aventure de Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou
Delcourt - Terres de légendes 2009 / 12.90 €- 84.5 ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-7560-0835-6
FORMAT : 23x32 cm
Le panache…
De Cape et de Crocs, c’est une odyssée, un immense jeu de mots en vers, la rencontre d’un loup, Don Lope, castillan dans l’âme, d’un renard, Armand de Maupertuis, qui donnerait des leçons à D’Artagnan, de quelques belles dames au regard de braise et au verbe haut et de tout un tas d’autres énergumènes… Un conte où l’on croise des pirates dégénérés, des inquisiteurs maladroits, des esclavagistes au cœur tendre, des indiens, des lapins terribles, des mimes de la jungle… Un récit impossible à résumer mais une lecture inratable, et surtout une gourmandise pour les amateurs de fantaisie dessinée. Après un premier cycle terrestre et épique, nos héros partaient pour la Lune et y découvrait une civilisation, réglée par l’art, l’esthétique, le beau. Un monde en forme d’opéra permanent!
Le huitième album était dramatique : Don Lope tombait sur le champ de bataille, le prince Jean lançait ses armées de mimes, commandées par Mendoza, à l’assaut de la Lune… Eusèbe, le vaillant lapin, était porté disparu, de même que le maître d’arme, le légendaire Cyrano de Bergerac… Ce neuvième album débute donc sinistrement, à la lumière blafarde de la Terre, par les funérailles improvisées de Don Lope, tandis que Cyrano, prisonnier, perd pied et panache… La fin du cycle commence mal. Heureusement, les héros de cette aventure lunaire et bizarre ont de la ressource : Don Lope n’était que blessé, et Cyrano demeure Cyrano. Tandis que Maupertuis et Don Lope se préparent à la bataille à l’occasion du triomphe théâtralisé de l’usurpateur, Cyrano part à la rencontre des mimes sauvages, étranges créatures qu’il faut savoir comprendre. Bien évidemment, tout s’achèvera par des coups, des bosses, des tirades lyriques, des duels sans merci et de grands sentiments.
Si Edmond Rostand avait pratiqué l’opium de son époque, il aurait sans doute scénarisé De cape et de crocs. La série restera comme un monument : un monument de légèreté, d’hommage délirant à la Renaissance, à Molière et à ses farces, à l’humour absurde et au cinéma de cape et d’épée, une série à la langue bien pendue et au style original, parodiant Rostand comme Racine, et avec panache encore. Le graphisme, à l’ancienne, sans artifices, souligné par un travail magnifique des couleurs, entraîne le lecteur dans l’une de ces utopies dont les hommes du XVIIe rêvaient : cités lunaires ordonnées comme un rêve d’architecte, décors de théâtres fantasmatiques avec des effets spéciaux que n’aurait pas reniés la cour de Versailles. Tant le décor que les trouvailles (les maisons-vaisseaux croisant sur la mer de fertilité – le régolithe lunaire, les tribus de mimes et la capture des instruments de musique…) et surtout les personnages, tout cela prend vie. En 9 tomes, Alain Ayroles et Jean-Luc Masbou ont créé un petit univers baroque et improbable, mais diablement addictif. On attend le retour sur terre avec impatience…
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 15/12/2009 )
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