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Bande dessinéeet Aventure  

Terre de feu (tome 2)
de David B. et Hugues Micol
Futuropolis 2009 /  16 €- 104.8  ffr. / 64 pages
ISBN : 978-2-7548-0123-2
FORMAT : 23,5x32 cm

Signes de pistes

Comme le premier, le second et dernier tome de Terre de feu s’ouvre sur une mer de tempête : les vagues sont cruelles, au Sud de la Patagonie, dans ce bout du monde symbolisé par le Cap Horn et ses naufrages.
Bout du monde, et pourtant ! Les conflits humains s’y retrouvent, lorsque plusieurs groupes s’empoignent dans des combats parallèles. Nous avions déjà vu se réunir dans la maison de Lord Hewam un tueur d’indien, deux sœurs spirites, un romancier solitaire, un double du propriétaire des lieux, un archer rouge et une troupe de fils de bonne famille sanguinaires. Tous, ou presque, cachent quelque chose. Mais au lieu de se rassembler, en conclusion les fils de l’intrigue s’élargissent : des anarchistes, des pillards, et un nain colporteur entrent dans la danse… Cette suite ne prend pas les tours attendus, loin s’en faut ; certains personnages disparaissent sans prévenir, des pistes tournent court… et d’autres naissent, parfois sans explication.

C’est au lecteur de deviner, avec parfois peu d’indices, ce qui a conduit tel ou tel dans ce recoin du monde, et de compléter les intrigues secondaires au gré de sa propre imagination. David B., quant à lui, reste mystérieux. Il garde peut-être de la matière pour les prochaines aventures qu’il à l’intention de raconter, avec d’autres dessinateurs mais dans le même décor.
Quant à ce petit Monsieur Gris, qui intervient à la fin du volume, il est peut-être bien une incarnation du destin : c’est lui qui semble le mieux connaître les différents personnages, et c’est lui qui met à mort le dieu du récit. Toute l’histoire n’était-elle donc qu’une magie, un rêve aux couches narratives nombreuses et divergentes ?

Le scénario de David B. exploite tous ses thèmes favoris, issus du roman d’aventures : la politique, l’ésotérique, la guerre entre indiens et cow-boys et le roman d’aventure lui-même, le tout dans un huis clos tragique. Même l’histoire de son frère, longuement racontée dans L’Ascension du Haut-Mal, semble trouver ses reflets dans des rivalités fraternelles plus ou moins explicites.

Malle aux trésors, Terre de feu est pourtant un récit âpre et dur. Le dessin de Micol y est pour beaucoup : sombre et expressif, il est désespéré jusque dans la caricature. Ce livre ne prête pas à rire, son ironie nous emporte dans des territoires esthétiques nouveaux, où la vie et la fiction se confondent.
Ici, il ne faut se fier à rien. La surprise incongrue peut surgir de n’importe où : un cheval qui semble parler tout seul, des tueurs qu’on appelle les Noctambules et qui se surnomment Minuit, ou L’Oreiller, un iceberg qui se révèle fixe.
Il est regrettable que la forme du livre n’affiche en rien qu’on arrive à la fin de l’histoire. À le lire sans information, on croit sans peine au deuxième tome d’une saga au long cours, et on passe à côté des intentions des auteurs. Publier le récit en un seul gros volume aurait été nettement plus compréhensible. Pourtant, on se perd dans ce récit avec plaisir. Et au fil des pages, on apprécie ces aventures improbables en territoire extrême. La profondeur des dialogues, la justesse du dessin, le lyrisme du décor, nous entraînent plus que jamais dans le souffle de l’épique. De la belle bande.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 12/01/2010 )
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