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Bande dessinéeet Aventure  

Texas cowboys (tome 2)
de Lewis Trondheim et Matthieu Bonhomme
Dupuis 2014 /  20.50 €- 134.28  ffr. / 152 pages
ISBN : 978-2-8001-6085-6
FORMAT : 17,5x24 cm

Sur les nouvelles frontières

Texas Cowboys aurait pu rester un volume unique. Mais Trondheim et Bonhomme ont eu visiblement tellement de plaisir à jouer avec le western et ses mythes qu’ils ont décidé de remettre le couvert. Toujours élégant et baroque, le duo triche à nouveau avec les codes du film d’aventures.
Il y a quelques années, dans Mister Blueberry, Giraud dessinait un héros mythique revenu de tout attablé pour une longue partie de poker. C’est le même rôle qui est dévolu ici à Wyatt Earp, la grande légende de l’Ouest, qui s’occupe désormais essentiellement des cartes et des combats de boxe. On a beau l’attendre à chaque fusillade, le héros mythique n’apparaît jamais sur le devant de la scène. Du mythe et de la vérité... Car le personnage principal de Texas Cowboys est tout sauf un shérif de légende. Harvey Drinkwater, journaliste de dime novels sur la côte Est, se retrouve pour la deuxième fois bombardé justicier dans un Ouest sauvage où l’aventure est partout.

Une bonne partie des personnages, et les thèmes de Texas Cowboys reviennent donc dans une intrigue nouvelle. Ce n’est pourtant pas la suite annoncée à la fin du premier volume, qui commencerait par les retrouvailles entre Harvey et son ami Ivy sur la côte Est. Le fil des aventures est sans fin et ce ne sera pas encore le sujet de ce tome-ci. Les dernières pages nous promettent, à nouveau, une éventuelle « autre histoire ». Non seulement les auteurs ont réussi à reconduire leur défi une deuxième fois, mais ils n’excluent pas de continuer à s’amuser. Tant mieux.
Les partis-pris formels réapparaissent également. Si Trondheim se passe assez vite des allées et venues temporelles qui faisaient l’originalité du premier tome, il n’en joue pas moins avec une narration sophistiquée. Le climax du récit se situe un peu au début de la seconde moitié, comme pour rendre chèvre Robert McKee et les scénaristes hollywoodiens classiques. Autour, ce ne sont que fausses pistes, mensonges et changements de rythmes. Ainsi, de chapitre en chapitre, un vieux soldat nous raconte six versions différentes de la perte de son bras. C’est le Joker de Christopher Nolan transformé en vétéran de la guerre de Sécession. Seul le lecteur saura y démêler le vrai du faux.

La nouveauté la plus remarquable de l’album vient du personnage de Butch La Framboise. Imaginez le Richard de Lapinot, mais assez musclé pour n’avoir plus peur de prendre des coups et préférer en donner : un fâcheux puéril et insupportable comme on aimerait en avoir dans ses amis. Ce n’est pas là un stéréotype de western ; mais il est drôle, surprenant, et finalement extrêmement cohérent avec toute notre imagerie traditionnelle.
À ses côtés, tous les grands éléments du western sont là, et même ceux qu’on n’attendait pas, comme les combats de boxe porteurs de gros paris ou le puma qui rôde autour du feu de camp. Bonhomme dessine mieux que personne les montagnes de Monument Valley, les mines abandonnées et les indiens dans la rivière. À une époque où le western n’a plus la cote, le duo d’auteurs nous montrent que cet univers est encore riche : riche de mythes et de figures fortes, qui n’ont visiblement pas quitté notre culture commune, et riche de potentialités toujours à explorer. Lucky Luke, Jerry Spring et Blueberry ne défrichent plus l’Ouest sauvage; mais les frontières sont toujours là, attendant les aventuriers.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 08/09/2014 )
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