Bande dessinée
Aventure de Lucie Lomová
Editions de l'An 2 - Traits féminins 2006 / 17.90 €- 117.25 ffr. / 80 pages
ISBN : 2-84856-070-3
FORMAT : 22 x 30
La vie de Bohème
Prague, 1994 : Anna, une jeune femme, s’ennuie ferme entre Zdenek, un mari affalé devant la télé, et sa maman qui s’inquiète un peu de voir sa fille si pâlotte. Chronique d’une ultramoderne solitude, interrompue par un rêve bizarre, celui d’un oracle déguisé en bonhomme de neige… Folie ? Dépression ? En quelques jours, la vie d’Anna bascule à la suite d’un quiproquo : entraînée dans une course poursuite par Alan, un séduisant inconnu (mais qui semble la connaître, elle), elle quitte famille et travail pour échapper à deux mafieux russes, et se retrouve bientôt accusée d’un meurtre. C’est l’occasion d’une cavale en Bohème, le « far east » durant laquelle ces Bonnie and Clyde à la sauce tchèque vont croiser des gens de toute espèce, braves citoyens, clochards poètes, tsiganes solidaires, ex-chanteuse, défiants ou sympathiques, avant de trouver une rédemption assez originale et la solution à leur problème en la personne de Vaclav Havel himself. Mais surtout, pour Anna, c’est un voyage dans le temps, et dans l’histoire de sa famille, afin de comprendre l’origine du quiproquo et pourquoi un Américain inconnu semble la confondre avec une certaine Marie, sa copie conforme, son double, son improbable jumelle.
Une histoire originale, hommage à Hitchcock, qui fait la part belle aux rêves prémonitoires et au symbolisme fantastique, un graphisme simple mais efficace, qui alterne différents styles en fonction des états d’éveil de l’héroïne : voilà un album rafraîchissant et sympathique. Lucie Lomová s’est fait connaître par une série d’albums racontant l’histoire de deux souris ; elle quitte cette fois le genre animalier pour ce qui s’apparente à un roman graphique bien rythmé. Le récit dépasse la simple histoire policière et s’avère plus ambitieux : il mêle deux histoires, celle d’une jeune femme tirée hors de son existence par l’aventure et celle d’une nation qui se relève du communisme et de la dictature. C’est ce rapport à la mémoire, mémoire nationale et mémoire individuelle, qui est sans doute le mystère le plus intéressant de l’album et donne envie d’un voyage dans ce far east de la bande dessinée. Le coup d’éclat final est assez inattendu et un peu gros, mais il s’intègre bien dans ce récit qui flirte constamment avec le fantastique, et toujours quelque peu teinté de fantaisie et d’un humour léger. Un album au charme indiscutable, un peu nostalgique, à découvrir.
Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 16/09/2006 )
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