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Bande dessinéeet Aventure  

Les Cinq Conteurs de Bagdad
de Fabien Vehlmann et Frantz Duchazeau
Dargaud - Long Courrier 2006 /  13.50 €- 88.43  ffr. / 71 pages
ISBN : 2-205-05779-0
FORMAT : 24x32,5 cm

L’alchimie du conteur

Il y a de cela bien longtemps, à l’occasion d’un grand concours d’histoires organisé par le calife, se réunirent les Cinq Conteurs de Bagdad : les cinq meilleurs concurrents parmi les mille et uns qui devaient s’affronter, trois ans plus tard, face à la foule. Anouar, Tarek, Wahida, Nazim et Ahmed partirent donc à l’aventure, jusqu’au bout du monde, à la recherche des récits les plus extraordinaires, de l’histoire parfaite, et de l’inspiration. Et qu’importe si, avant même leur départ, la devineresse leur avait prédit l’issue du voyage : leur aventure devait être racontée jusqu’au bout.

Les Cinq Conteurs de Bagdad constitue la troisième collaboration de Fabien Vehlmann, scénariste aux talents multiples, et du dessinateur Frantz Duchazeau, après deux belles réussites : le diptyque de La Nuit de l’Inca, et le recueil de « petites histoires africaines » Dieu qui pue, Dieu qui pète. Cette fois encore, les auteurs flirtent avec leur univers de prédilection : celui des contes et légendes de lointaines civilisations. Et, une fois de plus, la magie opère.
L’atmosphère du récit y est pour beaucoup. L’univers envoûtant et coloré des mille et une nuits est parfaitement retranscrit par le graphisme singulier et séduisant de Duchazeau, tout en hachures, en ombres et en lumière. On est conquis dès les premières pages, et on se laisse entraîner sans résistance à la suite de ces cinq personnages bien campés et attachants, pour un long voyage à travers l’Orient légendaire, peuplé de pirates, de cannibales, d’assassins enturbannés et de perroquets multicolores.

Mais l'album n’est pas une histoire d’aventures classique. Ce récit à tiroirs, qui joue avec le fond comme avec la forme, est surprenant de bout en bout… et même, paradoxalement, d’autant plus suprenant que les grandes lignes nous en sont dévoilées par l’oracle dès les premières pages. Avec beaucoup d’inventivité, le scénariste multiplie les rebondissements, les ellipses inattendues, et saupoudre le tout d’un humour frais et impertinent.
À travers les courts épisodes qui constituent l’album, Vehlmann développe surtout une réflexion très maligne sur l’art du conteur et le rôle de ses histoires. Celles-ci sont-elles seulement destinées à divertir, ou doivent-elles contribuer à changer le monde ? Quel est le pouvoir de l’imaginaire sur la réalité ? Qu’est-ce qui importe, l’histoire ou la façon dont on la raconte ? L’intérêt d’un récit ne réside-t-il pas dans les non-dits, comblés par l’imagination de l’auditoire ? L’histoire parfaite peut-elle être racontée ?... Le jeune scénariste jongle, à deux niveaux (dans le cadre du récit, et dans sa propre écriture), avec ces questions, et on ne peut qu’admirer l’aisance et la maturité avec lesquelles il exécute l’exercice.

Les Cinq Conteurs de Bagdad est une merveille d’inventivité et de finesse, et un très bel album, dans tous les sens du terme. Il confirme, s’il en était besoin, le talent et la complicité de ses deux auteurs, dont on attend avec impatience les prochaines collaborations.

Michaël Bareyt
( Mis en ligne le 30/10/2006 )
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