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Bande dessinéeet Aventure  

Le Scorpion (tome 7) - Au nom du père
de Stephen Desberg et Enrico Marini
Dargaud 2006 /  9.80 €- 64.19  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-505-00018-2
FORMAT : 22,5x29,7 cm

Tremble, carcasse

Cela devait bien arriver : on avait suivi le Scorpion (Armando Catalano pour l’état civil, ci-devant pilleur de tombes, découvreur et receleur de reliques, spadassin et séducteur à la Cyrano) jusqu’en Asie, en quête de la croix de Saint Pierre. La quête était d’importance : c’était le seul moyen de lutter contre le cardinal Trebaldi, puissant prélat de l’Eglise romaine, assassin discret, comploteur sans scrupule et dictateur patenté à le tête d’une armée de moines chevaliers masqués. Les six premiers albums, assez bluffants, emmenaient le lecteur au rythme d’une cavalcade soutenue, de Rome à Istanbul, alternant les combats contre les sbires de Trebaldi et les aventures. De l’excellent roman-feuilleton, dans la foulée d’un Alexandre Dumas, du grand spectacle pour amateur de capes, d’épées et de beaux paysages. Mais voilà, le précédent album s’achevait sur un constat d’échec (adieu la relique sacrée) et un mystère intrigant pour le Scorpion. Avec cette nouvelle série, on revient à Rome, une Rome désormais sous la coupe du pape Trebaldi, qui n’hésite pas à y faire règner un régime de terreur dans un XVIIIe siècle finissant. Ambiance plus sombre pour un héros revenu d’entre les morts, et porté à la vengeance. Car le Scorpion va se lancer sur la trace de son passé, celui de sa mère suppliciée comme sorcière, et d’un père invisible… qui pourrait bien être son pire ennemi.

C’est un nouveau cycle, où l’on retrouve un héros qui a perdu une part de ses illusions, un héros plus âpre, plus méchant, plus dur. La vengeance est un plat qui se déguste chaud, et le Scorpion est désormais sur la piste de Trebaldi, comme un chien d’arrêt, non sans risquer la vie de ceux qu’il aime. Bref, un scénario plus noir dans une Rome angoissante, qui permet à Stephen Desberg de lâcher la bride à son personnage et à ses mauvais instincts : le Scorpion devient hargneux, voire mortel, moins chevaleresque, plus humain… Et pour le lecteur habitué, cela change beaucoup l’esprit de la série. Une nouvelle saison commence, qui renouvelle le plaisir de la précédente en redistribuant les cartes (et puis un héros qui évolue, c’est un héros qui ne meurt pas). Mais pour les fans, on reste dans le grandiose : Enrico Marini nous a tellement habitué à un graphisme d’une maîtrise exceptionnelle (Rapaces, Gipsy…) que les superlatifs finissent par devenir lassants. Sens de la mise en scène et du rythme, ambiances travaillées au détail près dans des décors romains baroques, personnages ciselés (notamment la gent féminine : Marini et Desberg ne font pas dans la potiche)… On sent bien que Marini est parfaitement à l’aise dans ce récit classique et maîtrisé de Desberg, et que ce second cycle, tout en reprenant les bonnes recettes du premier (on ne change pas une équipe qui gagne), va bousculer des lecteurs qui s’étaient un peu installés dans une intrigue confortable. Comme quoi, la vengeance, ça a du bon ! À suivre sans hésitations !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 12/12/2006 )
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