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Le Désespoir du singe (tome 2) - Le désert d'épaves
de Jean-Philippe Peyraud et Alfred
Delcourt - Conquistador 2007 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-7560-0649-9
FORMAT : 23x32 cm

Couleurs: Delf

Exode brutal

La fin du premier tome du Désespoir du singe avait juste la bonne dose de ce qu’il faut d’explosif (en l’occurrence un Parlement) et de suspense pour qu’on attende avec intérêt la suite. Et à la lecture de ce deuxième opus, non seulement le plaisir reste intact mais la surprise est au rendez-vous. Quelque chose a changé dans ces pages. Envolés les cieux pastels, les ateliers d’artistes avec vue, et la légère désinvolture des personnages. Et disparues les lucioles. Voici le temps des épaves, des ruines, de la mort.

Certes, « La nuit des lucioles » n’était pas non plus de tout repos et avait mis posément en place les éléments des drames à venir. On y avait laissé les pêcheurs aux prises avec une répression militaire de plus en plus violente. Quelques opposants au régime, les Francs-Battants, s’étaient réunis, prêts à commettre toujours plus d’actes terroristes mémorables pour ébranler la politique en place. Quelques bruits de ruelles faisaient état de la situation au-delà du port : la mer d’Edel reculait de jour en jour, laissant sur des terres asséchées les épaves des navires. Drame écologique qui ne fait pas flancher les prétendants à l’exode, pressés de quitter la ville au plus vite avant d’être massacrés par l’agressive et noire milice. Et pendant ce temps-là, au milieu d’une situation de plus en plus chaotique, plusieurs personnages se croisaient : alors qu’il s’apprêtait à se marier avec la gentille Joliette, Josef Setznar tombait amoureux de la troublante Vespérine, tandis que sa cousine Édith flirtait avec le riche exploitant agricole Lazlo Topik.

Le ton change donc ici, l’espoir d’un monde meilleur se faisant d’autant plus intense qu’il semble lointain et insensé. Et la violence, brutale et soudaine, frappe tout le monde, installant une ambiance nettement plus inquiétante. Des visions de réfugiés parqués dans des soutes, des trains dans la nuit, des visages amaigris et sombres, des casques à pointe, des ethnies persécutées… l’imagerie exotique du premier tome vire ici au cauchemar absolu évoquant quelques horribles pages de l’Histoire. Et même les gueules d’ange comme ce colonel Komack cachent derrière leurs grands yeux paisibles de sinistres âmes.

Pour accompagner ce récit qui s’assombrit au fil des pages, le trait d’Alfred se fait lui aussi plus grave et torturé ; la finesse fait place à une certaine rusticité, les décors sont plantés rapidement en quelques noires hachures et tâches d’encre épaisses. Parfois, la maîtrise ne suit pas totalement et quelques pages semblent avoir été faites dans une précipitation pas forcément bénéfique, mais l’ensemble reste d’une très grande tenue, évoquant avec justesse la personnalité d’un individu ou l’intensité d’une scène.

Si la direction prise par la série change relativement son cap, s’enfonçant dans quelques méandres noires et inquiétantes, l’opinion finale n’évolue guère : vivement la suite !

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 20/11/2007 )
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