Bande dessinée
Les grands classiques de Will et Rosy
Dupuis 2009 / 22 €- 144.1 ffr. / 200 pages
ISBN : 978-2-8001-4333-0
FORMAT : 22x30 cm
Le meilleur de Choc
Changement de formule pour l’intégrale Tif et Tondu : désormais, chaque volume regroupera 4 albums, et non plus 3, pour un prix de vente légèrement revu à la hausse (on passe de 18 à 22 euros). Bonne nouvelle donc, mais on regrettera tout de même que ce changement de rythme se fasse au détriment du dossier introductif : très copieux dans les volumes précédents, il s’est ici fortement atrophié. Heureusement, son contenu reste passionnant. Alain de Kuyssche y resitue les albums dans le contexte de leur époque (nous sommes en plein dans les années yéyé), et le témoignage du scénariste Maurice Rosy nous éclaire sur ses intentions lorsqu’il imaginait ces aventures « nouvelle manière ».
Car les albums compilés dans le cinquième volume de l’intégrale marquent une inflexion sensible dans le ton de la série. Rosy commence à se sentir à l’étroit dans le schéma qu’il a lui-même mis en place (en deux mots : Monsieur Choc prépare un nouveau méfait ; Tif et Tondu, qui passaient par là, font capoter ses plans ; Monsieur Choc est laissé pour mort, mais son cadavre reste introuvable) et cherche à se renouveler en introduisant de nouveaux éléments.
Ainsi, dans « Les Flèches de nulle part », le scénariste s’efforce de troquer Choc contre un nouveau méchant... quitte à tricher un peu, comme on le verra dans l’épilogue. L’élégant génie du crime est également absent (et cette fois-ci, pour de bon) du tome suivant, « La Poupée ridicule ». En dehors de cette particularité, les deux albums ne présentent à vrai dire que peu d’intérêt : le premier est un récit d’espionnage très classique, et un peu laborieux ; le second est une simple suite de péripéties hautement fantaisistes, dans la lignée des premiers tomes. En outre, ni l’un ni l’autre ne donne l’occasion au dessinateur de briller particulièrement.
Nettement plus intéressants, « Le Réveil de Toar » et « Le Grand Combat » représentent tout simplement le meilleur du duo Will / Rosy. C’est avec ces deux albums, qui ont dû marquer plus d’un lecteur à l’époque, que l’œuvre s’affranchit définitivement de son cadre classique. Tif et Tondu devient la série où tout est possible, même les idées les plus folles ; la série où tous les genres se rejoignent ; la série qui peut se réinventer à chaque nouvel album. Dès lors, l’imagination des scénaristes successifs (à Rosy succéderont Tillieux puis Desberg) ne connaîtra plus de limite.
« Le Réveil de Toar » est une enquête à tonalité fantastique (bien que, techniquement, il s’agisse plutôt de « rétro-science-fiction ») qui confronte nos deux héros à un géant mécanique surgi du Moyen-Âge. Extrêmement rythmé et bourré de suspense, le récit est magistralement mené par un Rosy très en forme. Quant à Will, toujours à son aise lorsqu’il s’agit de mettre en scène le mystère, il se régale manifestement à camper les cryptes sinistres du château et le village breton sous la neige.
Encore plus fort, « Le Grand Combat » est un réjouissant délire fantastico-ésotérique, où Monsieur Choc joue les Freddy Krueger (15 ans avant le film de Wes Craven). En effet, l’insaisissable malfaiteur casqué s’est emparé du secret des moines tibétains pour pénétrer les rêves (!). Il utilise ce pouvoir pour terroriser ses ennemis, et notamment Tif et Tondu. C’est un album hallucinant et halluciné, plein de trouvailles narratives et visuelles, où les auteurs peuvent donner libre cours à leur imagination. La pluie de pierre, la balade dans la ville futuriste ou le combat final dans l’arène sont autant de scènes mémorables.
Un volume inégal donc, mais essentiel : pour les deux derniers albums qui le composent, « Choc mène la danse » mérite de figurer en bonne place sur les étagères de tout amateur du genre.
Michaël Bareyt
( Mis en ligne le 13/04/2009 )
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