L'actualité du livre
Bande dessinéeet Les grands classiques  

La Lecture des ruines
de David B.
Dupuis - Aire Libre 2011 /  14 €- 91.7  ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-800-150307
FORMAT : 19x23 cm

Un classique

La fascination que la guerre exerce sur les hommes a quelque chose de frappant, de dérangeant même : passons sur la curiosité et les rêves de gloire militaire entretenus ça et là dans les esprits, mais plus étonnamment, nombre de vétérans se rappellent parfois avec nostalgie la fraternité du temps de guerre, et l’espèce de liberté qui règne dans la troupe. Et c’est cette imbrication d’horreur et de chaleur humaine qui entretient l’intérêt du public pour le phénomène. Sur ce schéma, David B. a conçu un scénario qui éclaire parfaitement cette attirance, incarnée par les divers personnages de sa Lecture des ruines. Il y a bien évidemment les officiers qui aiment leur métier, les truands de la Bande de fer qui voient dans le chaos ambiant une occasion de prospérer, et puis il y a le professeur Hellequin – peut être quelque chose à voir avec la Mesnie du même nom, cette « chasse fantôme » qui entraînait les hommes dans son sillage jusqu’à la mort. Le professeur Hellequin est un authentique savant fou, esprit remarquable, inventeur d’armes surprenantes, qui, après avoir envisagé un canon pour tuer les rêves ennemis, a disparu. Tout l’Etat major est à sa recherche, ainsi que l’ennemi, et en désespoir de cause, les Alliés missionnent Jan Van Meer, un folkloriste, pour retrouver le savant. Ce dernier, apparaissant et disparaissant à sa guise, est en effet occupé à une tâche plus essentielle que la victoire : comprendre ce que la guerre veut dire à l’humanité, en en déchiffrant les ruines. A la Grande Guerre, qui parle haut et fort, se superpose bientôt la petite guerre des services secrets, sur fond de ruines, d’amour, d’apparitions, de coups tordus et d’absurdité.

La Lecture des ruines est un classique du roman graphique : publié pour la première fois en 2001, il révélait au grand public l’immense talent de David B. (L’Ascension du Haut-Mal, Les Chercheurs de trésors) autant que son art du récit, de la construction et de la mise en scène. Un éblouissement qui demeure, 10 ans après : cette réédition petit format ne trahit pas le volume originel, et permet aux amateurs de récits de la Grande Guerre de découvrir une vision très originale de ce conflit, qui jongle avec les idées poétiques (à commencer par cette fameuse lecture des ruines, qui traite le monde comme un alphabet ouvert), les allégories, les personnages singuliers, les anecdotes. David B. a su s’inspirer de la réalité des rumeurs et légendes de la guerre (période fertile en apparitions, rumeurs d’armes ultimes…), ainsi que de la forme des journaux de tranchées (son très réussi Les Incidents de la nuit) pour imaginer une histoire qui chemine joliment entre le fantastique et la poésie, inventant, au gré de son récit, des armes étranges et des phénomènes improbables. En plus, l’ouvrage intègre une interview de l’auteur et un cahier graphique déjà présent dans la première édition : ceux qui étaient trop jeunes, ou qui ont manqué le train la première fois, se rattraperont avec bonheur, et pour les autres, c’est l’occasion d’une relecture. Un classique dont on ne saurait se lasser…

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 05/09/2011 )
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