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Bande dessinéeet Les grands classiques  

Boulouloum et Guiliguili, L’intégrale (tome 2) - 1982-2008
de Raoul Cauvin et Mazel
Dupuis 2016 /  28 €- 183.4  ffr. / 352 pages
ISBN : 978-2-800158907
FORMAT : 21,2x29,2 cm

La jungle en folie

En 1983, Boulouloum végète, et les auteurs parviennent à convaincre l'éditeur de faire la toilette de la série. En fait de coup de jeune, il s'agit surtout de rebaptiser les héros et de partir à la conquête d'un lectorat plus mûr. Boulouloum et Guiliguili deviendra donc Les Jungles perdues à partir des Aventuriers de la préhistoire.

Il ne s'agit pas seulement d'un changement de titre. L'identité de la série dévie au passage de plus en plus, ce qui a perdu une partie des lecteurs de l'époque. Cette erreur commerciale semble encore donner des regrets aux protagonistes ; pourtant, les aventures des Jungles Perdues sont particulièrement fascinantes, et relire cette évolution album après album est un des grands charmes de cette intégrale.
On y voit les hésitations de Mazel, prêt à expérimenter des techniques graphiques le temps d'un court récit, mais transformant aussi progressivement sa patte vers plus de réalisme. Boulouloum/Kaloum s'allonge, grandit ; il prend de plus en plus figure humaine, tandis que les animaux s'éloignent du modèle disneyen pour conquérir une dimension plus naturaliste. Les planches fourmillent alors de cases superbes, montrant non seulement la jungle dans sa diversité féroce, mais aussi des décors variés et inattendus : montagnes désolées, animaux préhistoriques ou fond de l'océan... Le dessinateur s'adonne aussi à des recherches de matière : il joue sur l'ombre, les hachures. S'oblige à plus de rigueur dans les mouvements. Enfin, il accentue ses compositions, en s'appuyant sur les gros plans pour travailler le dynamisme.

Cauvin, de son côté, cherchait déjà à renouveler le scénario depuis les derniers épisodes du recueil précédent : il avait rapidement ajouté au casting des personnages féminins, dont la petite Pin-Up, et remplace maintenant pour de bon les deux chasseurs idiots des premiers gags par une bande de fripouilles plus fournie, malhonnêtes mais plutôt sympathique, et qu'on prend plaisir à retrouver à chaque épisode. Sous la bannière des Jungles perdues, ces aventures, un brin plus subtiles et moins linéaires, vont carrément basculer dans le fantastique. Les personnages découvriront successivement un monde perdu peuplé d'hommes-singes et de dinosaures, des armures diaboliques digne d'Italo Calvino et carrément un centre Beaubourg au milieu de la jungle ! On s'éloigne bien de l'univers d'origine, où les indigènes étaient innombrables et les explorateurs généreux. C'est l'occasion pour Mazel de dessiner des images fortes, surprenantes, dont les couvertures des Jungles perdues reproduisent les meilleurs exemples. Chaque nouvel album réserve son lot se surprises jusqu'à l'interruption forcée de la série, en 1988.

Aujourd'hui, alors que Tarzan ne parvient pas à se renouveler au cinéma, il est agréable de retrouver la fraîcheur d'une jungle innocente et farfelue, qu'elle soit prosaïque ou fantastique. Une Afrique menaçante, pleine de mystères, mais accueillante comme une grande cour de récréation.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 11/09/2016 )
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