L'actualité du livre
Bande dessinéeet Les grands classiques  

Les chroniques de Boule et Bill - L’avis de chien
de Roba et Delporte
Dupuis 2019 /  22.50 €- 147.38  ffr. / 72 pages
ISBN : 979-1-0347-3819-9
FORMAT : 32x24 cm

Jeu de Boule et jeu de Bill

C’est un joli trésor que les éditions Dupuis exhument en cette rentrée : d’authentiques histoires inédites mettant en scène deux icônes des trente glorieuses, racontées par leurs meilleurs auteurs. Dans L’Avis de chien de Bill, de 1967 à 1972, puis en 1976-1977, Delporte écrit pour Roba trente-deux chroniques tendres et humoristiques, dans lesquelles il détaille le point de vue de Bill sur Boule, le monde et sa petite famille.

Après plusieurs essais à l’occasion des collections Gags de Poche ou Carrousel, Delporte a à peine commencé cette rubrique que Paul Dupuis met un terme à sa fonction de rédacteur-en-chef du journal Spirou, et L’Avis de chien de Bill, en même temps qu’Isabelle ou Les Schtroumpfs, sera l’occasion pour lui de se réinventer en véritable conteur. On y retrouve l’esprit de Gaston dans En direct de la rédaction, mais appliqué à la comédie familiale du petit garçon et de son chien.

Roba n’était pas un littéraire, et les albums de Boule et Bill valent sans doute plus pour son merveilleux dessin que pour l’originalité de ses dialogues. C’est donc un plaisir d’autant plus grand de le voir illustrer des textes plus subtils par de chaudes illustrations. Chaque image est une découverte, nous donnant l’occasion d’admirer l’étendue des techniques maîtrisées par le dessinateur. Quand aux récits, ils nous offrent une vision moins univoque de la petite famille de Boule, remplie d’humour et de tendresse.
Des personnages classiques de la série y sont de passage – Pouf, M. Coupon-Dubois, Caporal et sa voisine de maîtresse – mais Delporte se prend vite au jeu pour trouver sa propre marque de famille en inventant des gags récurrents (le docteur qui vient pour les humains et donne un sucre à Bill) et des formules marquantes (« nom d’un homme »). Bill s’y montre plus naïf que de coutume, plus proche d’un Rantanplan que du cocker originel de Roba : il arrive souvent qu’il ne comprenne rien à la réalité, voire qu’il agisse en idiot parfait, là où la bande dessinée en faisait, au pire, une forte tête.

On ne peut s’empêcher de rapprocher ces textes du Petit Nicolas. Si Delporte fait moins que Goscinny usage du discours indirect, et plus du calembour, on retrouve la même ironie face aux catastrophes domestiques. Bill s’adresse à nous avec une langue intime et sincère, quoiqu’en décalage avec ce que nous devinons des sentiments de ses proches.

Le cocker, c’est le chien dans un jeu de quilles, la tornade qui renverse le triangle de la famille bien policée. Dans son sillage, on voit la Belgique traditionnelle découvrir la modernité et ses enjeux sociétaux, la machine à vaisselle, le bowling, puis les étudiants à cheveux longs.

Le recueil, très grand format, évoque un beau livre comme Dupuis en publiait il y a quelques décennies. Boule et Bill fêtent dignement leurs soixante ans : tout aussi indispensable, Dargaud publie un Art de Roba qui complète parfaitement ce recueil en en reproduisant les plus beaux originaux et en remettant en chronologie le travail du dessinateur. Il est heureux de pouvoir connaître un peu mieux la vie et l’œuvre de ce joyeux pilier de la bande dessinée franco-belge.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 15/09/2019 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)