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Supergroom (tome 2) - La Guerre Olympique de Yoann et Fabien Vehlmann Dupuis 2021 / 13.95 €- 91.37 ffr. / 88 pages ISBN : 979-1-0347-4921-8 FORMAT : 20x26,8 cm Schizo lovely Lassés de leur série éminemment classique, les auteurs de Spirou et Fantasio se sont offerts depuis 2018 une variation superhéroïque. Supergroom était sans doute plus en phase avec leur désir de modernité. Drôle de sensation à la lecture de ce deuxième album, sur la trilogie annoncée, quand on sait maintenant que cette fantaisie va mettre fin à leur run sur la série-mère. De nouveaux auteurs vont prendre le relais aux manettes de Spirou. On lit donc Supergroom avec un mélange de découverte et de nostalgie, sans trop savoir ce qui relève de la recherche d’une nouveauté et ce qui n’est que le début de la fin. Vehlmann se montre toujours ironique avec un héros qu’il fragilise, comme une vieille Europe incapable de résoudre les enjeux mondiaux. Il ne manque pas une occasion de sous-entendre que les valeurs traditionnelles, le sens du devoir, la justice, la modestie, n’ont plus leur place dans notre société contemporaine. Il tue (pour la troisième fois, d’ailleurs) le vieux Poppy Bronco qui incarnait le feuilleton de papa dans plusieurs albums précédents. Comme s’il voulait en finir avec un univers qui n’en finit plus de regretter les Trente Glorieuses, tout en espérant y mettre fin et conquérir un public d’aujourd’hui. Spirou, ou la schizophrénie. On se souvient d’un album de Valérian, Les Héros de l’équinoxe, où Christin et Mézières confrontaient de la même manière leur personnage principal, bien franco-belge, aux modèles en vigueur dans le comics de super-héros. Ce Supergroom reprend le même principe : une arène artificielle où s’opposent des êtres surpuissants venus des quatre coins du monde. Spirou est en réalité forcé par le B.A.D.A.S.S. à se battre contre des créatures munies de superpouvoirs ou de technologies monstrueuses. Il ne s’agit donc pas tant d’entrer dans le moule du comics que de s’y confronter. Les deux auteurs jouent à opposer leur héros à des clichés ambulants, quitte à refuser le combat lorsqu’il en a l’occasion. Vehlmann et Yoann ironisent sur leur propre ligne, s’amusant d’un héros dont le seul superpouvoir est la faculté de s’attirer la sympathie. Spirou, nous rappellent-ils à chaque instant, n’a pas les forces qui lui permettraient de figurer à côté des personnages de Marvel ou des Mechas japonais. Son identité est ailleurs, dans un petit village provincial où le Comte est amateur de champignons. Mais le cri du cœur, écologique, n’empêche pas la domination des cliffhangers menaçants. A chaque page, il semble que Yoann et Vehlmann mettent en doute leur capacité à concilier sincérité et commerce. L’album prouve pourtant le contraire. Le paradoxe est qu’en se libérant de la série, en osant remettre toutes les cartes sur la table et en prenant leur propre démarche à contre- pied, ils nous amusent comme jamais. Le dessin de Yoann vibre, alimenté par les couleurs de Fabien Alquier, et Vehlmann prend un plaisir visible à manipuler ses personnages. On aimerait croire possible que les deux auteurs, à la fin de cette trilogie, offrent à Supergroom un autre tour de piste. Clément Lemoine ( Mis en ligne le 27/09/2021 ) |
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