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Pandora
de collectif
Casterman 2016 /  18 €- 117.9  ffr. / 264 pages
ISBN : 978-2-203-10991-9
FORMAT : 18,4x26 cm

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Nouvelle revue dans le domaine de la bande dessinée, Pandora affiche
la volonté de Casterman de redevenir une référence en terme de création
contemporaine. Cet épais volume, destiné à paraître deux fois par an,
rassemble quelques nouvelles et de nombreux récits complets.
Si le lecteur, comme toujours, aura ses préférences, il n'y a pas de réelle
fausse note dans ce premier numéro. Il faut dire que Benoît Mouchard a réuni
un véritable casting de rêve. On y trouve les incontournables (Blutch,
Mattoti), les jeunes auteurs à la mode (Anthony Pastor, Matthias Lehmann) et
quelques surprises (Eleanor Davis, François Ravard). Alors que la
disparition de la presse est souvent évoquée comme un problème pour les
jeunes auteurs, privés de banc d'essai, Pandora opte pour des auteurs
confirmés, cherchant dans la forme de la revue un terrain d'expérimentation
au plus haut niveau : la liberté pour les maîtres.

On trouvera donc des recherches formelles intrigantes, comme le récit
d'Anthony Pastor qui joue habilement de l'évolution des personnages entre
les vignettes pour composer un espace-temps unique en son genre. Mais aussi
et surtout des champs libres pour des auteurs à même de cultiver leurs idées
le temps d'un court récit : Vivès, Killofer, Aapo Rapi s'épanouissent dans
cette forme.
D'une histoire à l'autre, le lecteur pourra parfois lire le besoin de
revenir aux sources. Les auteurs ne s'inscrivent certes pas dans un
traditionalisme excessif, mais ils intègrent énormément de références au
patrimoine de la bande dessinée. Blutch notamment choisit des planches
d'albums classiques (Hergé, Graton, Cuvelier, Martin et Jacobs) qu'il
redessine avec brio – l'exercice peut sembler vain, mais il est porteur d'un
plaisir énorme. Ses pages révèlent les matières, les corps, les silhouettes.
On frissonne à l'idée d'un Sept Boules de cristal entièrement réalisé
dans ce style, et on attend avec d'autant plus d'impatience son Tif et
Tondu
, qu'il annonce au premier degré. C'est aussi Michel Pirus qui dans
Canetor, son habituelle parodie des canards de Disney, intègre un
pastiche de Little Nemo, ou Menu qui à son habitude cite Pif
et Pifou. Plus significatif peut-être, un court récit de Rossi avec
la scénariste Géraldine Bindi, qui annonce leur collaboration sur la
mythologie antique. En noir et blanc, chargé de texte, la bande évoque des
traditions populaires oubliées, confondant brièvement le trait de Rossi avec
celui de Pratt et ressuscitant un peu de La Ballade de la mer salée
pour quelques planches, tout en réinterprétant la figure beaucoup plus
ancienne d'Hélène de Troie et en la confrontant au féminisme.
Au-delà de ce rapport au patrimoine, on peut noter un intérêt pour les
récits sur le réel, que ce soit une réflexion muette sur la petitesse de
l'humanité dans l'univers, signée Dal et De Moor, ou les différentes
autobiographies et autofictions de Killofer, Brecht Evens et Bajram. Tripp
également nous raconte la découverte de la sexualité par un adolescent qui
porte son prénom, sans détour et avec précision.

Enfin, d'autres entrent de plain-pied dans le récit imaginaire, que ce soit
Fabio Viscogliosi, de retour après une longue absence, ou Florence Dupré la
Tour qui invente une surprenante préhistoire matriarcale. Psychologies de
l'intime et volonté de peindre leurs semblables : Alfred, dans un portrait
des banlieues romaines, ou Mattoti et Piersanti, en racontant les journées
d'un laveur de carreau, remettent de l'humanité dans des zones froides et
cruelles.
Tous témoignent d'un moyen d'expression en marche, en dialogue avec lui-même
mais aussi avec le monde.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 15/04/2016 )
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