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Black (n° 2)

Vertige Graphic Coconino Press 2005 /  15 €- 98.25  ffr. / 240 pages
ISBN : 2-84999-003-5
FORMAT : 17x24 cm

Black (n° 2)

Entre revue luxueuse et anthologie de récits courts, Black, édition française, poursuit sa route avec un deuxième numéro une fois de plus plein à craquer de bonnes et jolies choses. Réussissant la gageure de réunir qualité et quantité, Black pratique avec passion le hors-piste pour dénicher de nouveaux auteurs talentueux, offrir de la place à des valeurs sûres, ou enfin retrouver les récits oubliés ou peu connus de maîtres du neuvième art. Cet astucieux mélange de jeune génération et de vieux routards empêche le recueil de tomber dans le panneau « Attention BD élitiste ! ». Même si les histoires présentées ici restent dans une même veine, noire et décalée, il y en a pour tous les goûts, toutes les sensibilités.

Après le pompeux « Le retour des avant-gardes soft », le sous-titre est cette fois « La ballade de l’homme-langouste », titre d’un récit d’Enrico Sist que l’on trouvera dans ces pages : l’histoire vraie de « Lobster Boy », attraction de foire retrouvée assassinée chez elle au début des années 90. Un fait divers policier, raconté sans suspense ni fantaisie, empreint de morbide et de noirceur, et montrant un goût certain pour la marge et l’étrange. Pas de rapport direct avec la bande dessinée donc, mais un texte qui chapeaute l’ensemble des planches présentées ici et pose un ton particulier : une originalité constante, des ambiances forcément noires, et une envie de titiller le neuvième art, voir ce qu’il a dans le ventre, et parvenir à en sortir quelque chose de foncièrement différent.

Pour ce faire, Black continue son tour du monde et confronte ainsi âge et culture avec bonheur ; auteurs réputés et jeune génération montante de tous les pays se retrouvent ainsi dans cette auberge espagnole (made in Italie) : le Japon avec Yoshihiro Tatsumi, l’Italie avec Gipi et Giacomo Nanni, la France avec David B. ou Tardi (dont on trouve ici un récit de huit planches publié en 1979 dans la revue Raw), et l’Amérique avec Sammy Harkham ou Kevin Huizenga.

Quelques suites directes au premier numéro sont évidemment présentes : les aventures de Bedo, la momie échappée du Louvre et qui trouve refuge chez Barnum (encore une histoire de freaks…). Le récit au quotidien d’un auteur de bandes dessinées se poursuit également : Seth raconte avec simplicité et modestie son travail, ses motivations, ses angoisses. Et enfin la deuxième partie de la passionnante rencontre entre Igort et Mazuchelli, ou comment parler sérieusement et avec passion de la bande dessinée. Igort, dont on trouvera aussi les premières planches faisant suite à son album culte, Cinq est le numéro parfait : Peppino, le mafioso à la retraite, tente de couler des jours heureux dans un petit village isolé d’Amérique du Sud, mais son passé tumultueux refait surface.

Enfin, au milieu de ce volumineux recueil brille d’un éclat particulier le récit d’un auteur américain, encore étrangement inconnu ici malgré son importante production : il s’agit du Poor Sailor de Sammy Harkham, justifiant à lui seul l’achat de Black. Une histoire simple mais racontée avec un talent énorme. Quatre cases par page, un trait léger, presque fébrile, et un découpage formidable jouant avec sûreté des ellipses et des silences : une petite leçon de bande dessinée, qui donne forcément envie d’en voir plus rapidement, dans les pages de Black ou d’ailleurs.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 05/03/2005 )
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