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Les tramways de Sarajevo - Voyage en Bosnie-Herzégovine
de Jacques Ferrandez
Casterman - Carnets de voyage 2005 /  19.50 €- 127.73  ffr. / 72 pages
ISBN : 220335917X
FORMAT : 23 x 31 cm

Promenade dans une région martyre

Le nom de Sarajevo résonne étrangement pour un lecteur européen : réminiscence de la Grande Guerre via l’assassinat de l’archiduc héritier d’Autriche, images d’une station luxueuse perle de l’ancienne Yougoslavie, souvenirs d’une guerre abominable et d’une ville symbole de l’inertie européenne. La nostalgie et la mauvaise conscience de l’Occident semblent s’incarner dans cette région. Il était donc temps de balayer ces vestiges et de s’offrir une tournée dans cette Bosnie renaissante : Jacques Ferrandez nous offre le ticket et les cartes postales avec Les tramways de Sarajevo, nouveau carnet de voyage de cet écrivain, auteur de BD (Carnets d’Orient) et artiste. Et le moins que l’on puisse dire, c’est que le carnet de voyage est réussi, à la fois engagé, touristique et érudit.

Jacques Ferrandez, auteur notable et coutumier de ce genre de voyage en BD, a repris ses carnets, ses planches à dessin pour sillonner la Bosnie-Herzégovine à la recherche de ce pays délicieux, à la fois méditerranéen et balkanique, dissimulé derrière les images de guerre des journaux télévisés. Parti en juillet 2004, il arrive avec des clichés, des a priori qu’il lui faudra apprendre à reconsidérer. Si les traces de la guerre sont là, constantes (comme dans cette série de mosquées anciennes dont seules des photographies fanées subsistent, ou bien comme le pont de Mostar, célèbre défouloir pour les snipers de tout bord), le renouveau est à l’œuvre. L’ouvrage tient à la fois du guide, avec un aperçu historique solide, en particulier sur l’histoire religieuse, complexe : depuis les Bogomiles (qui se souvient de l’hérésie des Bogomiles, qui ont pourtant donné le terme « bougre » en français ?) jusqu’à l’imbroglio actuel des chrétiens et des musulmans, des références plus récentes (la guerre, les accords de Dayton de 1995 ou encore la fuite de Karadzic et Mladic) ou bien des lectures contemporaines (presse, artistes et écrivains…). Chaque rencontre, même la plus infime, chaque image, chaque détail lui inspire un commentaire, une réflexion ou bien un dessin.

L’ensemble est original et, pour le dire de manière sans doute un peu banale, invite au voyage : le lecteur sillonne virtuellement, aux côtés de l’auteur, cette région, entre fac-similés de tickets et prospectus, cartes postales, aquarelles travaillées ou esquisses rapidement crayonnées. On y croise des gens du coin comme des stars locales ou internationales. On y mesure notamment le poids et l’influence de la culture française (notamment le centre Malraux, centre culturel français et ce groupe de femmes surnommées les Malrauses), jusque dans un accessoire comme la Francazica, un petit béret « basque » local. L’album est à la fois un hommage et une inspiration, un objet en tous les cas original, à parcourir autant qu’à lire.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 25/08/2005 )
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