Bande dessinée
Revues, essais & documents de Philippe Geluck
Télérama 2008 / 7.90 €- 51.75 ffr. / 98 pages
FORMAT : 23x30 cm
Sous la direction de Jean-Claude Loiseau
Chat se fête
Le Chat de Geluck fête cette année son vingt-cinquième anniversaire, et c’est l’occasion pour Télérama de lui consacrer ce bel hors-série, riche en images et en hommages.
Il faut pourtant bien l’avouer, du Chat, on en a mangé jusqu’à l’overdose. Le félidé impassible est plus bavard qu’Achille Talon et il lui a fallu de plus en plus d’espace au fil des ans pour pouvoir s’exprimer… Partout des Chats : agendas, tee-shirts, montres, posters, à la télé à côté du chien de Drucker, dans les journaux, les gratuits et les plus chers, dans des lieux d’exposition, sur des affiches publicitaires, et même… dans des livres. En best-of, en intégrales, en coffret, en poche, en moyen format, en douze volumes, en tirage de tête. C’est dire qu’au bout d’un moment, la mine apathique et les sentences absurdo-logiques de ce gros animal ont commencé un peu a gavé, comme une indigestion de pâtée.
D’autant que, voilà une œuvre calfeutrée dans une certaine forme répétitive (les trois cases, le discours façon syllogisme débile, le « plan fixe »...) qui demande au contraire une découverte à petites doses pour mieux être appréciée. Un peu par ici, un peu par là, mais surtout pas à la chaîne.
Ce recueil de textes et de dessins vient donc à point réconcilier les rabat-chat avec le travail de Geluck. Le magazine vient apporter un regard nouveau et instructif sur la grande œuvre du dessinateur belge, et donne finalement une folle envie de revenir vers le gros félidé, et de retrouver, avantage des images ici éparpillées, quelques-uns de ses gags.
Après une biographie fouillée, qui vient nous rappeler que Geluck a d’abord commencé une carrière d’acteur et d’humoriste (pendant dix ans) avant de ne finalement plus lâcher son rayon, le magazine revient sur les principales influences du dessinateur, commentées par lui-même. C’est là une suite de rapprochements bienvenus et source de nouvelles rencontres.
Une interview du dessinateur, plus sérieux que jamais est aussi présente, ainsi qu’une promenade ludique et enthousiaste dans les rues de Bruxelles, cité obscure éclairée avec humour, et un dialogue entre Geluck et Siné.
Plusieurs textes, écrits par des spécialistes du genre (Pierre Fresnault-Deruelle, Pierre Sterckx ou Thierry Groensteen), permettent une approche érudite et théorique du Chat et replace ce travail dans le champ du neuvième art, mettant à jour le jeu sur les phylactères, sur les codes de la bande dessinée et sur le graphisme même. Passionnant et enrichissant. D’autres études, d’Alain Rey à Roger-Pol Droit, fouillent la richesse de cet univers, jusqu’à aller enrôlé Wittgenstein et Bergson pour les besoins d’une démonstration. On n’en demandait sûrement pas tant, mais les résultats sont toujours malicieux et intéressants.
Pour terminer, plusieurs dessinateurs et auteurs (François Schuiten, Tardi, Michel Onfray…) rendent hommage à Geluck et à sa création. Beau bouquet final d’images et de mots, venant saluer cette créature graphique, devenue définitivement star.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 17/03/2008 )
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