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Bande dessinéeet Adaptation  

Le Roman de Renart (tome 3) - Le Jugement de Renart
de Mathis et Thierry Martin
Delcourt 2009 /  8.95 €- 58.62  ffr. / 32 pages
ISBN : 978-2-7560-1500-2
FORMAT : 22,6x29,8 cm

Le roi des animaux

C’est la fin du Roman de Renart. Non pas que les auteurs aient épuisé le matériel originel, loin de là, mais la trame qu’ils ont reconstituée se regroupe sur un triptyque. Maintenant que Renart s’est mis tout le monde à dos par ses escroqueries et ses coups bas, le roi Noble lui-même décide de mettre fin à son existence.
Mais Renart ne renonce pas pour autant à ses fourberies, et le roi devient la victime de son goupil de sujet. Tibert, le chat, et Brun, l’ours, n’y sont pas oubliés. Encore moins le cousin Ysengrin, qui a fait du sort de Renart une affaire personnelle, et qui est prêt à en appeler au jugement de Dieu. La guerre fait rage, et il n’est pas dit que Renart puisse échapper au gibet qu’on lui promet de tous côtés.

Les décors franchement moyenâgeux restituent de vieilles pierres où les animaux jouent le même rôle que des humains, au-delà de toute référence trop datée. Ces querelles de royaumes sont pour les auteurs, et en particulier Jean-Marc Mathis, l’occasion d’approfondir la dimension politique du texte. En resserrant l’intrigue sur les dangers qui entourent Renart, il concentre son récit sur l’opposition entre le goupil et le roi. Aussi, quand celui-ci s’efforce de faire tomber la tour du goupil, c’est la bataille de la monarchie francilienne contre les noblesses régionales, l’éternelle querelle du pouvoir étatique et des indépendances locales. Quant à la justice, elle est entre les mains de l’exécutif. Le roi accepte d’instruire un procès en échange d’une fortune, et le jugement reste soumis à l’adresse du meilleur parleur ou du meilleur lutteur. C’est donc le plus riche qui l’emporte, et le jugement de Dieu paraît un temps incertain sur le vainqueur et le vaincu. La morale est donc à peine sauve, même si le méchant est puni et semble se repentir ; il n’empêche que la société est corrompue et que les forces du désordre sont les plus sympathiques.

Thierry Martin maîtrise toujours le dessin animalier. À voir ce renard hors-la-loi aux prises avec un lion royal et injuste, on se souvient parfois de Robin des bois façon Disney. Sans parler des nombreuses expressions anglaises qui échappent curieusement au goupil. Martin revendique en tous cas d’autres références en matière d’histoire de fantaisie, comme Johan et Pirlouit. On y retrouve la même légèreté dans le décor, les mêmes armées et les mêmes châteaux forts. Ainsi qu’un goût pour les sous-bois, qui sont sa marque de fabrique et la signature de l’album. Un arbre noueux marque donc les trois couvertures, au gré des différentes saisons. Celle-ci est consacrée à l’automne, comme l’album qui se promène dans les couleurs rouges. La nature est reine, au point que les arbres deviennent les soubassements du palais royal.
Martin alterne ces charmants bosquets sous toutes les formes et des scènes de plans serrés un peu plus redondantes. Le tout dans des tendances chromatiques restreintes, qui joue très bien des ombres et des blancs. Maintenant que la découverte est passée, la séduction fonctionne moins, mais on se laisse prendre malgré tout à l’agrément de cet album, astucieux et élégant.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 06/07/2009 )
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