L'actualité du livre
Bande dessinéeet Adaptation  

La forêt des renards pendus
de Nicolas Dumontheuil
Futuropolis 2016 /  21 €- 137.55  ffr. / 144 pages
ISBN : 978-2-7548-1581-9
FORMAT : 24x30 cm

D'après Arto Paasilinna

Les robinsons lapons

D'un côté, Raphaël cherche à cacher trois lingots d'or de la banque nationale d'Australie. De l'autre, le major Remmes prend un congé sabbatique pour fuir l'armée, sa femme et les cuites à répétition. L'un et l'autre vont se réfugier dans la même région isolée, en Laponie finlandaise. Et bien sûr, les deux solitudes vont très vite se rapprocher pour n'en faire plus qu'une : une communauté à deux, un idéal misanthrope où les rejoindront d'autre exclus des bonnes mœurs, une société marginale dont on se doute bien qu'elle ne pourra pas durer toujours.

Nicolas Dumontheuil, toujours à la recherche de nouvelles sources d'écriture, puise cette fois-ci dans un des premiers romans d'Arto Paasilinna, mieux connu pour Le Lièvre de Vatanen. Est-ce le renard du titre qui a attiré l'attention de Dumontheuil, lui qui les dessine avec gourmandise depuis La Femme floue ? Toujours est-il que son dessin se marie parfaitement avec l'univers du romancier grinçant. La luxuriante précision des décors y fait écho aux nombreux détails propres à la littérature nordique, tandis que le traitement semi-caricatural des hommes laisse planer un humour volatile, discret, un côté pince-sans-rire et glacé qui nous laisse penser que le monde est une farce.

On ne rit pas beaucoup, dans La Forêt des renards pendus, mais on se laisse prendre au jeu d'un amusement constant, en particulier lorsque les deux complices sont rejoints par une vieille dame qui cherche à échapper à la maison de retraite, puis par deux prostituées. Il y a dans cette forêt quelque chose de l'abbaye de Thélème, ou de l'île des Robinson suisses, une utopie où la hiérarchie ne tient pas la route et où le plaisir de chacun est la priorité, malgré la diversité des croyances et des habitudes. La relation entre Raphael et le major y évoluera de la subordination à l'amitié.

La société officielle, pour sa part, n'a pas la cote. Les manipulations des représentants de la commune pour emmener la vieille Naska en maison de retraite, alors qu'elle n'a rien demandé et ne fait de mal à personne, sont exemplaires. Mais il ne s'agit pas ici de moraliser le monde. Un brin de cynisme, simplement, curieusement teinté d'espoir.

Pour rendre compte des étendues polaires, des tourbières et des forêts, Dumontheuil choisit de dessiner en noir et blanc. Lui qui nous avait toujours emballés par ses couleurs lumineuses se réfugie aujourd'hui dans des niveaux de gris plus ternes, légèrement ocres, sans doute plus aptes à décrire la pâleur du grand Nord. On appréciera peut-être mieux ces innombrables dessins de petits villages, de sapins et de cabanes de rondins.
Et puis, au détour d'une planche, une case surprenante fait surgir la poésie : un char attaqué à la pierre, une aurore boréale, ou ces histoires formidables du tertre du péché et des touristes allemands. De quoi donner envie de prendre la fuite, à son tour, et de se retrouver dans la nature sauvage et belle. Into the wild !

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 11/09/2016 )
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