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Bande dessinéeet Adaptation  

Le Petit Bleu de la côte Ouest
de Jean-Patrick Manchette et Jacques Tardi
Les Humanoïdes associés 2005 /  15.50 €- 101.53  ffr. / 88 pages
ISBN : 2 7316 1670 9
FORMAT : 21 x 32 cm

Les plombs qui pètent

Dix ans après sa mort, Jean-Patrick Manchette revient sur le devant de la scène : après la parution de Romans noirs chez Quarto (Gallimard) en mai, de La Princesse du sang en poche chez Folio policier (Gallimard aussi), voici Le Petit Bleu de la côte Ouest, adapté par Tardi.

L’amitié entre l’auteur de romans noirs et le père d’Adèle Blanc-Sec remonte aux années 70. Leur collaboration avait donné Griffu, en 1977. Militant de gauche, influencé par le situationnisme de Guy Debord, Jean-Patrick Manchette restera dans l’histoire littéraire comme le père du « néo-polar » : un roman noir empreint de critique sociale. « Le bon roman noir est un roman social, un roman de critique sociale, qui prend pour anecdote des histoires de crimes, mais qui essaie de donner un portrait de la société […] à un certain endroit, à un certain moment », explique-t-il à Emmanuel Laurentin sur France Culture en 1993. Dans Le Petit Bleu de la côte Ouest, ce sont les années 70 et la fin des illusions d’une possible révolution sociale, l’effacement de la queue de la comète Mai 68.

Georges Gerfaut est cadre commercial, une vie bien tranquille, une femme et deux gamines. Un type « qui ne veut pas d’aventures » et qui va se retrouver mêlé, malgré lui, à une improbable histoire de truands pour avoir emmené à l’hôpital un accidenté de la route. A partir de là, c’est la vie de Gerfaut qui dérape. Avec deux tueurs à ses trousses, plutôt que d’aller prévenir la police, Gerfaut s’enfuit, larguant femme et enfants dans leur location de vacances au bord de l’eau. Une attitude qui serait absurde si elle n’était un pétage de plombs en bonne et due forme d’un homme en proie au malaise, qui prend soudain conscience du vide de son existence.

Tardi est resté au plus près du texte de Manchette, « sec, raide, sans fioritures », auquel il ne voyait pas l’intérêt de changer quoi que ce soit. De fait, les univers de Manchette et de Tardi se fondent comme s’ils n’étaient qu’un. Le trait du dessinateur, en noir et blanc, rend à merveille les ambiances du roman de Manchette : la lassitude de Gerfaut puis son errance, le duo presque attendrissant de tueurs, l’explosion de violence finale. Avec Le Petit Bleu de la côte Ouest, on déguste un Tardi du meilleur cru, à ne surtout pas manquer en cette rentrée.

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 04/09/2005 )
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