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Bande dessinéeet Adaptation  

L'Homme qui rit (tome 1) - La Mer et la Nuit
de Jean-David Morvan et Nicolas Delestret
Delcourt - Conquistador 2007 /  12.90 €- 84.5  ffr. / 48 pages
ISBN : 9782756007991
FORMAT : 23x32 cm

Sourire barbare

Parmi les œuvres de Victor Hugo, L’Homme qui rit fut longtemps un peu ignoré : trop sombre ? Trop pessimiste ? Trop terrifiante ? L’histoire d’un enfant, Gwynplaine, enlevé, défiguré de manière barbare et qui, un jour, retrouve ses racines, son identité (celles d‘un pair d’Angleterre) pour s’apercevoir qu’il ne peut sortir de sa condition de monstre… Derrière l’allégorie, un récit qui fait frémir. Mais après une première adaptation récente (Lord Clancharlie, 2003) et un peu laissée en plan, Jean-David Morvan (depuis devenu le capitaine d’Ex-libris, collection littéraire de Delcourt) et Nicolas Delestret reprennent leur travail et republient, avec un nouveau titre, ledit album, qui devient « La Mer et la Nuit », et qui augure, il faut l’espérer, d’une suite.

L’histoire de Gwynplaine est tragique et uniquement tragique : l’enfant défiguré arbore un sourire inhumain, d’une oreille à l’autre. Perdu dans une tempête, il sauve un enfant abandonné dans un couffin avant d’être lui-même recueilli par Ursus, un mélange d’ermite et de sage, qui va constituer, pour les deux enfants, un père d’adoption. C’est cette histoire que Morvan a reprise, en la commençant par l’enlèvement de Gwynplaine par des gitans, les Comprachicos, voleurs d’enfants… et en entremêlant le récit de Gwynplaine et celui du chef des Comprachicos, capturé par les autorités.

Et donc, surprise : l’album se démarque joyeusement du récit de Hugo. Exit l’Angleterre moderne. Le parti pris ici est nettement fantastique, jusque dans le langage abracadabrantesque des Comprachicos, mélange de français, d’anglais, d’espagnol… Un pidgin directement issu de l’esprit fertile de Morvan et censé restituer l’inquiétante étrangeté de ce peuple sans racines. Le scénario lui-même n’a pas la linéarité d’un roman. Les récits s’entremêlent sans s’emmêler, servis par le coup de pinceau inspiré de Nicolas Delestret. Architectures baroques, silhouettes oniriques aux longs corps fuselés, quasi-elfiques, tempête, neige, ambiance nocturne : la mise en image Delestret s’éloigne du conte historique pour devenir une sorte de thriller fantastique, dans un monde bizarre, vaguement gothique, angoissant au possible. La dernière vignette du reste, donne le ton de l’album et laisse désirer une suite rapide. Cette fois, c’est la bonne !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 04/11/2007 )
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