L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Comment dessiner ?
de Zep et Tébo
Glénat - Tchô 2008 /  9.40  €- 61.57  ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-7234-6673-8
FORMAT : 21x15 cm

Marges d’un cours de bande dessinée

« Comment dessiner ? » est le nom de la rubrique animée mensuellement par Zep et Tebo dans le magazine Tchô. Les deux auteurs de Captain Biceps y dévoilent avec humour des trucs et astuces du métier, ceux qui leur permettent de trôner parmi les best-sellers de la bande dessinée.
Mais à vrai dire, ils n’ont pas intérêt à révéler leurs secrets et faire naître des concurrents. Aussi se content-ils de vagues recettes, essentiellement une description des différents types de matériel utilisables, pour se lâcher surtout dans les gags et les pieds de nez. Esprit Tchô oblige, l’humour est empreint d’une vulgarité abondante, systématiquement attribuée à Tebo mais qu’on imagine sans peine convenir aussi à l’auteur de Titeuf. La morve au nez, les pets foireux et les grosses femmes à poil sont donc de rigueur.

Mais l’humour est aussi plus subtil, en particulier quand il s’appuie sur une certaine idée du dessin. La poétique refait alors son entrée par la bande : Zep et Tebo définissent une bande dessinée par défaut, en positionnant leur style dans la modernité de la jeunesse.
Ils n’oublient pas leurs références, d’ailleurs, ironisant sur des écoles censément différentes, le manga ou le dessin réaliste, pour glorifier leur propre volonté de « traduire la réalité par le trait ». Et de s’amuser à citer quelques modèles tous azimuts : les auteurs reçoivent les lettres récurrentes d’un petit lecteur qui rappelle Jean-Pierre Liégeois, du Var, dans les aventures de Gai-Luron. De même, ils accueillent finalement un apprenti qui se révèle n’être rien moins que François Schuiten. Face à lui, Zep et Tebo trouvent leurs limitent et jouent largement de l’autodérision.

Au-delà de ces modèles (en soi assez antagoniques) les deux auteurs célèbrent la génération Tchô : Olivier Supiot, Bill et les autres font tous leur petite incartade dans l’atelier imaginaire. Par ce biais, les différents styles de dessin sont convoqués, un peu comme le faisaient dans un livre assez proche, les personnages de Jean-Yves Duhoo. Mais c’est aussi pour faire naître un esprit collectif, aux facettes complémentaires.
Par contre, les compères se moquent largement des cours de dessin de seconde zone, ceux qui prétendent faire acquérir le savoir-faire du crayon à coups de figures géométriques, et qu’ils lisaient sans doute, enfants, dans Mickey Poche. Ils démontent maintenant ces règles étriquées, ces recopiages formatés qui marquent un certain début du dessin amateur. Quand Zep nous apprend à dessiner un chat avec un triangle, Tebo riposte en dessinant un triangle à partir d’un chat.
La règle selon laquelle, pour dessiner quelque chose (par exemple une voiture), il faudrait la connaître à fond de l’intérieur, est tout autant mise à mal. Pour parvenir au vrai dessin, il faut faire un vrai saut créatif, qu’ils célèbrent par ailleurs dans les idées insolites, les détournements de formes et la caricature permanente.

C’est là, dans ce pied de nez permanent à leur propre cours, que se trouve la principale leçon de Zep et Tebo : le dessin tel qu’ils le pratiquent n’est pas et ne peut pas être académique ; il est encore et toujours le produit des marges de leurs cahiers.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 01/12/2008 )
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