L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Gus (tome 3) - Ernest
de Christophe Blain
Dargaud 2009 /  14 €- 91.7  ffr. / 88 pages
ISBN : 978-2205-06086-7
FORMAT : 29x24,7 cm

Des fantasmes sur la prairie

Avec ce troisième volume de Gus, Christophe Blain nous propose quatre nouvelles histoires de sa composition pour réinventer le western avec virtuosité. Comme dans les précédents tomes, il s’attaque aux grands mythes de l’histoire de l’Ouest, mais les traite de façon profondément différente.
Gus, l’outlaw, est à nouveau au centre du récit. Mais dans un va-et-vient de son passé à son présent, il emprunte des costumes différents, qui lui permettent d’explorer toutes les facettes du genre. Le voici tueur à gages dans un remake du combat entre éleveurs et cultivateurs, autrefois magnifié dans le film L’Homme des vallées perdues. Le voici également joueur de poker professionnel, riche, stylé et sans armes derrière sa table ronde. Il est même un court temps employé rangé, alors qu’il joue les gardes du corps dans un saloon prestigieux.
Mais Christophe Blain, en fin psychologue, ne perd pas de vue le sujet principal de ses histoires : les femmes. Gus a un nez phallique, et sa mère, rapportant des propos indiens, lui disait que « quand tu perds ton nez, tu perds ton âme ». En conséquence, toutes les actions du héros, bonnes ou mauvaises, chanceuses ou désastreuses, semblent la conséquence de son intérêt pour la gent féminine. Le tueur à gages tire mal lorsqu’il est blessé au nez. Le joueur professionnel se met à perdre lorsqu’il n’y a pas de fille dans la salle. Et le garde au corps ne se fait embaucher que lorsqu’on le prend pour un séducteur incroyable.

Tout le volume semble tourner autour de la notion de fantasme. Les personnages s’envient les uns les autres des qualités imaginaires, sans jamais se rendre compte qu’ils en sont parfois les mieux pourvus. Dans l’alternance des rôles, tous passent par le stade du petit garçon Anton, qui admire le tireur Gus alors même que celui-ci vise nettement moins bien que lui…
La première histoire, particulièrement excellente, illustre bien cette question : le jeune Gus vénère son patron, qu’il prend pour une terreur du Far West. Celui-ci est pourtant plus proche d’un astucieux veinard, et admire de son côté son employé, qu’il croit irrésistible avec les filles.

Ainsi se font les légendes : fabriquées de l’extérieur. Les héros n’ont jamais conscience d’être au faîte de leur ascension, ce qui les ferait retomber aussitôt. Gus n’est plus le timide naïf qu’on voyait dans le premier volume. C’est maintenant un homme d’expérience, toujours capable de perdre ses moyens, mais en toute conscience. C’est souvent lui qui donne des conseils, miroir peut-être d’un Christophe Blain dont le dessin est partout reconnu, et qui ne compte plus ses émules. Quand il ne reste plus rien à accomplir, faut-il s’enfuir pour trouver une nouvelle quête ?
Les personnages de Blain rêvent de ce qu’ils ne possèdent pas. Éternelle insatisfaction, qui les laisse dans une forme de mouvement perpétuel. Gus définit bien, dans ses leçons de tir, le comportement de ses aventures, tant graphique que narratif : « le revolver, c’est comme avec les filles, tu ne dois pas te crisper sur la cible, tu dois à peine vouloir la toucher, tu prends ta décision très vite et hop. Tu vises pas. » Toujours en mouvement, c’est une bonne définition de Gus et de sa bande. Un magnifique portrait du monde agité, qui mélange adroitement les icônes du passé et les trépidations du vivant.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 20/01/2009 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)