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Bande dessinéeet Humour  

Pip et Norton
de Dave Cooper et Gavin McInnes
Delcourt - Outsider 2010 /  13.95 €- 91.37  ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-7560-1871-3
FORMAT : 18,7x19 cm

Piquant

Les comics de Dave Cooper sont précieux car rares. Après plusieurs années passées à créer des cases et des bulles, l’artiste a en effet mis – définitivement ? – sa carrière de faiseur de bande dessinée entre parenthèses pour se consacrer à ses peintures et à l’illustration pure. Aussi, il serait dommage, voir stupide, de passer à côté de ce jouissif album, Pip et Norton, recueil de strips et d’histoires courtes publiées à l’origine chez Dark Horse Comics en 2002.
La couverture donne le ton : colorée, ensoleillée, folle, remplie à ras bords de petits détails, parodiant Disney et installant un univers déjà bien barré. Pip et Norton sont deux copains un peu losers, un peu nuls. L’un ressemble à une abeille (ou un lapin ?), est plutôt débile, et s’emballe pour un rien. L’autre flotte dans les airs, est plutôt râleur et taciturne. Ils traînent leur existence dans un monde un poil futuriste, décalé, un peu fou, où la musique est interdite et où Barbra Streisand est un sex-symbol pour Pip. Et leurs aventures enchaînent les péripéties incroyables. On croise en effet dans ces 96 pages qui passent trop vite des chaussettes toxiques capables de faire marcher une ogive nucléaire, un restaurant pour chiens, un savant fou qui cherche à conquérir le monde en achetant des discothèques, une Carla Bruni monstrueuse, une machine à faire les brushings, des zombies, des jouets crétins et même un Mœbius un peu décati. On se croirait dans un album de Frank Zappa, complètement allumé, drôle, irrévérencieux et totalement virtuose.

Dave Cooper et Gavin McInnes – les vrais Pip et Norton – font l’effet d’être les deux sales gosses de la classe, les petits idiots qui s’amusent d’un rien et font d’une bribe d’idée une histoire de fous, un délire de potaches un peu partis. L’ensemble ressemble à du Tex Avery de ce siècle, du Crumb revisité et survitaminé. Et si les histoires ne reposent finalement sur pas plus de choses qu’une suite d’idioties, c’est grâce au dessin de Cooper que l’album trouve sa pleine consistance. Héritier d’une longue tradition d’illustrateurs et de cartoonists américains, Dave Cooper élabore son univers avec minutie et une classe énervante. Si ces formes semblent déjà vues, évidentes, familières, elles révèlent toujours de nouvelles pistes. Surtout, par des partis pris esthétiques singuliers, l’artiste marque sa différence : une ligne de contour toujours tremblotante, vibrante, donnant une saine énergie et une constante excitation à ses créatures, un homme qui flotte dans les airs sans jamais toucher le sol, et enfin un sens de la couleur éblouissant. Cooper multiplie les approches tonales : kitsch, pastel, vive… toujours avec une incroyable maîtrise, rendant compte là de son œil de peintre qui en a vu d’autres.

Le tout est un petit régal, une dragée qui pique, aux accents hallucinogènes et au doux parfum de délire ambiant.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 13/01/2010 )
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