L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Ça n’arrive qu’à moi (tome 1)
de Didier Tronchet
Futuropolis 2010 /  16  €- 104.8  ffr. / 64 pages
ISBN : 978-2-7548-0239-0
FORMAT : 22x30 cm

Télé et réalité

Voici Prunelle : parisienne, gaffeuse, naturopathe (mais personne ne sait vraiment ce que c’est), écolo, poissarde… Tout pour plaire en somme, et les spectateurs l’adorent… Car Prunelle est devenue, bien malgré elle, une héroïne de sitcom, un personnage comique et attendrissant, à qui il arrive plein de mésaventures. Sauf que tout cela se passe à son insu, et que sa vraie vie l’angoisse plutôt : l’impression d’être toujours en décalage, incomprise, et de mettre constamment les pieds dans le plat, d’incommoder les autres… « Une porcelaine dans un magasin d’éléphants » dirait Benabar ! Et un soir, au hasard d’une fête, la voilà qui découvre le dit sitcom, rencardée par maman : drôle d’impression de retrouver son quotidien exactement reproduit à la télé, de se retrouver soi-même (dans la peau d’une actrice mal embouchée) parodiée pour faire rigoler la France. Et cela juste au moment où la vie changeait : l’ouverture de son cabinet de naturopathie, la rencontre d’un voisin jeune et plutôt appétissant… Il est temps pour Prunelle d’éclaircir ce mystère ! ou de changer de vie.

Le nouveau Tronchet (le papa de Raymond Calbuth, Jean-Claude Tergal… que des winners, et l’auteur de Houppeland ou de la Gueule du loup, variations délirantes ou polardesques du quotidien), une fois de plus touche dans le mille, avec cette histoire qui parodie subtilement la télé réalité pour décrire un quotidien parasité par le petit écran. Attendrissante, Prunelle l’est vraiment, coincée entre ses valeurs et ses contradictions, sa maman sinistre, sa copine raisonnable, son banquier tendancieux et son voisin trop séduisant pour être honnête. Et de nouveau, Tronchet fait la démonstration de ce talent qui lui est propre, de donner vie à des anonymes, des médiocres, dont il hisse le quotidien à la hauteur d’une épopée… du comique social avec ce charme supplémentaire qu’ici, l’auteur se parodie lui-même, et semble se mettre en scène dans la peau du gentil voisin, exploitant le quotidien d’un autre pour faire rire. L’humour est, comme d’habitude, un peu grinçant et subtilement décalé, la caricature est sombre et dans le même temps, touchante. Tout le monde en prend pour son grade, mais il n’y a dans cet album ni méchanceté ni cynisme, mais au contraire beaucoup de tendresse : Tronchet est un Audiard attendri, qui sait bien que les cons osent tout, mais qui ne peut pas s’empêcher de les aimer un peu. Un bel album et un diptyque prometteur, qui démontre, s’il en était besoin, l’immense talent de Didier Tronchet.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 31/05/2010 )
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