L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Monkey Bizness (tome 1) - Arnaque, banane et cacahuètes
de El Diablo et Pozla
Ankama éditions - Label 619 2010 /  14.90 €- 97.6  ffr. / 112 pages
ISBN : 978-2-35910-085-3
FORMAT : 19x27 cm

Couleurs: Miaw et Pozla

La jungle de la rue

L’autocollant sur l’album donne le ton : « la dernière création des auteurs de Lascars ». Pourtant, on ne retrouvera pas là le quotidien désabusé des jeunesses de banlieue qui a fait la force et l’humour de la série télévisée. Ni fast-food, ni métropolitain. Mais Monkey Bizness n’en est pas moins la meilleure réussite d’El Diablo en bande dessinée.
Celui-ci se définit bien comme issu de la BD. Il a traîné ses guêtres dans les publications amateurs et professionnelles, sans jamais obtenir une grande visibilité, alors même que sa série des Lascars était diffusée sur Canal + à partir de 2000, mettant parmi les premiers la culture hip-hop en avant sur le petit écran. On a alors pu voir des albums qui surfaient sur la même thématique, reprenant plus ou moins officiellement l’univers des Lascars. Sans convaincre outre mesure.

Avec Monkey Bizness, la façon de procéder est toute différente. El Diablo est parti d’univers a priori plus éloignés de ses œuvres habituelles : la bande dessinée animalière et le polar noir à la sauce américaine. On pourrait donc un instant se croire dans Blacksad, si la culture de la rue n’avait imprégné chaque vignette et chaque dialogue : guerre des gangs, tchatche, rejet de l’autorité centrale, personnages interchangeables et virilité exacerbée. Le sang, la sueur, le sperme donnent tout son sens à l’expression « loi de la jungle ».
Désarçonnée par une guerre nucléaire, l’espèce humaine a laissé la place aux animaux, qui s’efforcent de construire un nouveau monde. « Mais les animaux sont bien aussi cons que leurs prédécesseurs. » Les héros de ces aventures humoristiques sont Jack Mandrill et Hammerfist, deux singes sans scrupule ni profession bien définie : selon la nécessité, ils se font tueurs à gages, chasseurs ou simplement rebelles aux forces armées. Sans craindre de mettre à feu et à sang la ville de Los Animales.

Dans cette Planète des Singes tendance Winshluss, on sent que les auteurs s’en sont donnés à cœur joie. El Diablo pratique avec réjouissance son sens aigu du dialogue et des caractères en situation, tandis que le superbe Pozla multiplie les mouvements et les compositions vivantes. Les couleurs, signées Miaw et Pozla, sont parfaites.
Ce n’est pas un hasard si c’est le label 619 de l’éditeur Ankama qui publie cet album : la dynamique amorcée par Run dans Mutafukaz entre totalement en résonance avec cette explosion urbaine. Là où les Lascars s’arrêtaient, ses deux réalisateurs ne semblent pas avoir trouvé de limite dans Monkey Bizness ; ils naviguent donc dans le temps et l’espace, créent des personnages pour s’en débarrasser brutalement, jouent avec des seconds rôles d’un épisode à l’autre, changent le destin de l’espèce humaine en claquant des doigts. On s’étonne simplement de l’insertion en plein milieu du recueil d’un chapitre en noir et blanc sur les origines de la série. Ce froncement de sourcil mis à part, l’album mêle impeccablement surprises et cohérences. Et appelle d’autres aventures du même acabit.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 07/09/2010 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)