L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Les Pieds Nickelés (tome 1) - Promoteurs du Paradis
de Philippe Riche
Vents d'ouest Publications Georges Ventillard 2011 /  9.95 €- 65.17  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2-7493-0628-5
FORMAT : 21,5x29,3 cm

Le blond, le gros et l’autre truand

Depuis l’arrivée des Pieds Nickelés dans le domaine public, ils n’en finissent pas de ressusciter. En ce début d’été, alors qu’ils viennent d’être montés en marionnettes au Théâtre Jeune Public de Strasbourg, ils réapparaissent également en librairie sous la plume de Philippe Riche.
Cette fois-ci, ce sont les éditeurs traditionnels des Pieds Nickelés, en charge de leurs incarnations depuis les années 1960, qui se lancent dans l’affaire : Vents d’Ouest et les Publications Georges Ventillard, ces dernières se découvrant un intérêt assez soudain pour l’exploitation de leurs personnages.
Au programme, outre une série qui débute ici avec éclat, des one-shot dessinés par des auteurs différents, à la manière de Spirou. Ptiluc a déjà fait part dans la presse de son projet avec Richard Malka, d’autres devraient suivre.

Peut-on échapper au jeu des différences ? Les Pieds Nickelés de Philippe Riche sont plus réalistes, sombres, cyniques. Plus moraux aussi, peut-être, cherchant d’abord à travailler avant de se résoudre à reprendre leurs activités malhonnêtes. Mais n’hésitant pas trop longtemps : la France dans laquelle ils traînent leurs savates, en crise bien sûr, n’est pas bien joyeuse, et les chômeurs n’y rigolent pas tous les jours. On cherche en vain la bonne humeur insouciante de Pellos et Montaubert, qui faisaient sourire le trio y compris dans la misère.
Cela ne nous empêche pas de reconnaître la série. Le reste des ingrédients est bien là. De la magouille embrouillée avec force déguisements et pactole à la clé en passant par le langage fleuri des aminches, les recettes fonctionnent. Quelques détails rappelleront des souvenirs aux plus anciens, Croquignol en meneur ou Ribouldingue draguant une femme noire.

Conformément aux habitudes, l’actualité est bien présente. Paradis fiscaux, tendances people et disparité sociale en tête. Pour sa part, Filochard a pris au vingt-et-unième siècle une origine nord-africaine, audace très bienvenue pour repenser le personnage. Et tout au long de l’album, on joue au jeu des références, derrière les caricatures de Xavier Bertrand ou de Fatal Bazooka. Les décors nous renvoient à la petite ceinture, à l’île Seguin, au restaurant du Grand Véfour, intégrés avec adresse avec des personnages plus lâches, voire humoristiques. Il en ressort une impression de réalisme et en même temps d’efficacité dynamique tout à fait moderne. Les couleurs de Patricia Souchar y contribuent grandement.
Dans le déroulement du scénario, Philippe Riche fait flèche de tout bois. Les dialogues sont aboutis, les idées s’enchaînent, les gags sont fins mais présents. L’ensemble ne manque pas de pêche, ni de générosité. On le lit avec réjouissance, appréciant l’humour noir des dialogues, et accroché par une aventure à rebondissements - si on excepte une chute un peu précipitée. À noter d’ailleurs que cette histoire est la plus longue qui nous ait été proposée depuis longtemps avec les personnages, les albums de Trap & Oiry chez Delcourt se limitant malheureusement à 30 pages. Pouvoir enfin trouver nos compères dans une structure narrative relativement longue n’est pas le moindre plaisir de l’album.

Au final, un travail personnel dans le respect de la charte originelle, qui modernise la série. Espérons que les Pieds Nickelés continueront leur retour sur d’aussi bonnes bases.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 27/06/2011 )
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