L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

La Page blanche
de Boulet et Pénélope Bagieu
Delcourt - Mirages 2012 /  22.95 €- 150.32  ffr. / 208 pages
ISBN : 978-2-7560-2672-5
FORMAT : 19,8x26,3 cm

Rewind

Cet album est le fruit d’une collaboration quelque peu surprenante, même si au final, elle paraît évidente. Au scénario, Boulet, ses Raghnarok et Notes derrière lui, il est pour la première fois «simple» scénariste, prêtant ses crayons à Pénélope Bagieu. De cette dernière, on connaît son blog, ses albums (Joséphine, Cadavre exquis), mais surtout son style graphique que l’on voit partout, dans les catalogues de prêt-à-porter jusqu’aux emballages de plats surgelés. Un dessin et efficace qui a inspiré pas mal d’autres illustrateurs, jusqu’à la copie trop proche de l’original pour être honnête.

Dans ses fameuses Notes, Boulet ne s’était pas gêné pour se moquer de cette tendance dite «girly» de la blogosphère : ma vie, mon chat, mon vernis à ongles et mes problèmes qui n’en sont pas. Sauf que, contrairement à pas mal de ses suiveurs (et surtout suiveuses), Pénélope a toujours eu ce recul nécessaire et ce détachement rigolo pour éviter que l’on prenne trop au sérieux ses banales confidences. Cette collaboration au départ contre-nature devient donc vite alléchante, d’autant que le prétexte du livre est immédiatement captivant et que Pénélope Bagieu y est vite dans son élément avec cette héroïne de jeune parisienne toujours habillée à la dernière mode.

L’histoire commence sur un banc. Une jeune femme y est assise, comme se réveillant tout juste d’un profond et douloureux sommeil. Apathique, hébétée, elle ne se souvient de rien, ou du moins pas de l’essentiel : son nom, ce qu’elle fait là, qui elle est. Elle a tout oublié, le néant, plus rien. Les papiers dans son sac lui fournissent une adresse et la baptise à nouveau : Eloïse, c’est son nom, part alors à la recherche de son identité perdue. Le récit est donc celui d’une enquête, scrupuleuse, pour retrouver qui l’on est et se reconstruire à partir de rien ; ou quasiment rien. Un chat, des bouquins, des DVD et quelques amis qu’on ne reconnaît plus.

Le scénario de Boulet – un XIII au pays du banal quotidien – est plein de qualités : il y a d’abord ce pitch imbattable, qui vous tient en haleine dès le début. Il y a ensuite cette progression rigoureuse et méthodique autour de ce mystère, et enfin un humour omniprésent qui fait passer les ficelles les plus grosses. La quête d’identité d’Eloïse passe par des instants de doute et de désespoir, mais aussi par des grands moments de folie douce. Au-delà de ces fantaisies, Boulet et Pénélope Bagieu triturent plus sérieusement la question de l’identité au sein d’une société de consommation qui lisse et uniformise toute personnalité. L’ensemble se lit avec grand plaisir, jusqu’au dénouement logique autant que mélancolique (dans le sens rituel de passage), à la fois plein d’espoir et de promesses. Une très belle surprise.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 21/01/2012 )
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