L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Gringos Locos
de Yann et Olivier Schwartz
Dupuis 2012 /  15.50 €- 101.53  ffr. / 52 pages
ISBN : 978-2-800-15300-1
FORMAT : 24x32 cm

American dream

Les amateurs de bandes dessinées connaissent forcément Franquin, Morris et Jijé : Gaston, Spirou, Lucky Luke, Tanguy et Laverdure sont autant de figures désormais célèbres du neuvième art. Mais comme souvent en pareil cas, les héros ont un peu escamoté la vie de leurs créateurs : si Hergé a désormais ses biographes, il manque encore une belle étude sur cette école de Marcinelle, qui est à l’origine du succès de Dupuis et révolutionna, en son temps la bande dessinée. Gringos Locos, sans revendiquer une approche biographique classique, s’amuse à imaginer une page de l’histoire de trois des grands auteurs belges de l’après guerre.

En 1948, Gillain/Jijé, Franquin et Morris, décident de tenter leur chance aux Etats-Unis et embarquent dans une sorte de road movie déjanté qui, de Bruxelles à Tijuana, en passant par San Diego, entraîne le lecteur dans une épopée surréaliste. Entre Gillain (le père de famille responsable aux projets les plus abracadabrants), Franquin (en quête de reconnaissance et d’un personnage vendeur), et Morris (talentueux, reconnu et bourrelé de complexes quant à son histoire familiale), la fine équipe s’avère prometteuse. Si l’on ajoute la famille Gillain et notamment son épouse, catholique pratiquante et véritable tête du foyer, ainsi que l’invisible mais omniprésent Charles Dupuis, mécène de l’équipe, on a là de quoi inspirer un beau récit d’amitié, avec, en arrière plan, le rêve américain et ses ambiguïtés.

Gringos Locos est donc un album très réussi… à condition de le prendre pour ce qu’il est, non pas une page d’histoire, mais plutôt une aventure débridée, avec, comme héros, quelques grands noms de la bande dessinée, arroseurs devenus arrosés pour l’occasion. L’album comporte d’ailleurs un long texte et une interview de Benoît Gillain, qui révèlent une vraie différence d’interprétation entre les familles Gillain, Franquin et les auteurs. Petit quiproquo qui retarda d’ailleurs la sortie de cet album. Qu’à cela ne tienne, le plaisir n’est pas dans la reconstitution fidèle d’un voyage, mais plutôt dans les multiples péripéties toujours délirantes, les nombreux clins d’oeils à l’œuvre future (Spirou, Gaston, les Dalton…), la fantaisie constante. Dans chaque page, et quasiment dans chaque vignette, un détail, un décor évoquent l’œuvre des trois compères. Si l’on peut comprendre la déception des descendants, qui ne reconnaissent pas forcément leurs parents dans ces trois hurluberlus bruxellois, le lecteur lambda trouvera lui beaucoup de plaisir à lire cet album original et qui, dans son genre, constitue un bel hommage. Le charme ne tient pas seulement à la qualité du scénario de Yann : le graphisme d’Olivier Schwartz est – une fois de plus après Le Groom vert-de-gris – très inspiré par celui de Chaland, et compose une ambiance sixties bien adapté au ton de l’album. Bref, un premier tome inspiré, réussi, qui séduira tous ceux que la maison Dupuis a initié à la bande dessinée.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 22/05/2012 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024



www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)