Bande dessinée
Humour de Simon Spruyt
Éditions Même Pas Mal 2014 / 16.50 €- 108.08 ffr. / 80 pages
ISBN : 978-2-918645-289-3
FORMAT : 17x23 cm
Vieille canaille
SGF, c’est la vraie biographie illustrée d’une fausse figure de la bande dessinée, S.G.F. Spruyt. Parti de rien, l’homme a su graver les échelons qui l’ont mené au succès, puis au-delà, jusqu’à devenir un Dieu-dessinateur, adulé, adoré et craint. Son empire de la bande dessinée a écrasé tous les autres et son nom est devenu une légende. Un étonnant et fantastique parcours conté par son assistant de toujours, Juan Lopez Garcia. Et cette biographie autorisée va enfin lever le voile sur des épisodes méconnus de la vie de Spruyt.
Car l’homme est loin d’être un ange. On apprend ainsi qu’il a passé un pacte avec Satan en personne. Il a ensuite engrossé Micheline Dargaud, la fille de, avant de l’épouser et de récupérer le patrimoine de la famille. A partir de là tout a été facile et plus besoin de savoir dessiner. Grâce à une entreprise tenue d’une poigne de fer et qui tourne grâce à une main d’œuvre pas chère (des chinois et des orphelins), les studios Spruyt dominent sans vergogne le monde de l’édition et balancent sur le monde des albums dont la qualité laisse sans doute à désirer mais peu importe puisque le succès est là.
Il y a ensuite les différents épisodes qui tournent autour de l’entrée de SGF au panthéon culturel, son combat contre Satan qui réclame son bien, et puis la lente et paisible fin de Spruyt, quelque part dans une maison en Provence...
On l’aura compris, tout cela est du grand n’importe quoi et c’est ce qui fait la qualité de ce chouette livre. L’auteur est un certain Simon Spruyt (tiens, tiens…) et cette analogie de patronyme entre l’auteur et son personnage rappelle celle qui présidait à l’album de Blutch, le fameux Blotch. Dans cet album, on suivait le parcours d’un dessinateur imbu de lui-même, prétentieux, raciste et un sans scurpules. Et SGF semble être de la même trempe que son illustre prédécesseur. Simon Spruyt aime faire de son héros un être complètement amoral, pervers, méchant, cynique et entièrement préoccupé par son propre destin.
Là où l’on quitte l’univers de Blutch et que l’on rejoint celui des Requins Marteaux et de Winshluss, c’est dans cette explosion d’épisodes loufoques, de saynètes absurdes, de mélange des genres et de mauvais gout assumé. Pour mettre en valeur ce récit fou, Simon Spruyt n’a pas les crayons dans ses poches et c’est une belle foison graphique qui se dévoile ici : un trait faussement lâché, énergique et robuste, qui sait jouer du pastiche (fausses pubs et interludes niais), et de la rupture de styles.
Au final, si la satire est légère (oui il y a des produits dérivés dans la bande dessinée, oui il y a des coups bas), on adore ce personnage de parfait méchant vicieux et pourri et on adore suivre son parcours qui passe par tous les stades (d’un cocktail mondain à une bagarre entre titans). C’est un livre plein de surprises, un peu trop accroché à quelques références trop marquées pour être complètement original, mais rempli de belles idées et parfaitement rythmé. Avec sa belle finition (couverture singeant la reliure cuir, signet en tissu…), cet album mérite une belle place sur les étagères, entre Blotch et Wimbledon Green de Seth.
Alexis Laballery
( Mis en ligne le 28/10/2014 )
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