Bande dessinée Humour |
Le Gang Mazda fait son intégrale (tome 1) - 1987-1991 de Bernard Hislaire et Christian Darasse Dupuis 2015 / 24 €- 157.2 ffr. / 192 pages ISBN : 978-2-8001-6081-8 FORMAT : 21,2x29,2 cm Sur les planches Dans la longue histoire de l'autobiographie en bande dessinée, Le Gang Mazda tient une petite place, mais chère à ses lecteurs. À partir de 1987, quelques temps avant que l'Association et Ego comme X n'imposent le genre dans les librairies, Bernard Hislaire et Christian Darasse ont raconté le quotidien de l'atelier qu'ils partageaient avec Marc Michetz. Tous trois étaient encore au début de leurs carrières respectives ; de sorte que le jeune auteur de Sambre et le futur dessinateur de Tamara ont trouvé ici un curieux point de rencontre, fidèle aux gags traditionnels du journal de Spirou et pourtant empreint de l'envie de bousculer le cocotier, avec cynisme et désinvolture. Un des éléments qui font l'intérêt de la série, c'est que le Gang a basculé très vite dans la fiction. Les gags de Darasse et Hislaire n'ont pas grand-chose à voir avec l'autobiographie à la Harvey Pekar, à la Fabrice Neaud ou à la Chester Brown, mais plutôt avec les univers fictifs de Gaston et surtout de L'Atelier Mastodonte, son héritier direct dans Spirou. Le travestissement est d'abord léger : les premiers gags s'appuient sur de véritables anecdotes de la vie du trio, même si chaque personnage est une caricature marquée loin de son modèle réel. Mais très vite, la série s'affranchit de son inspiration, notamment lorsque Marc Michetz claque la porte de l'atelier au bout de six mois de vie commune. Son alter ego de bande dessinée, lui, restera toujours fidèle au poste. Dès lors, il est logique que le Gang Mazda ait encore survécu quelques années plus tard à la brouille du duo des créateurs. Bernard Hislaire aurait préféré que la série s'arrête là, mais Christian Darasse aura recours à Philippe Tome pour le remplacer au scénario jusqu'en 1996. Les personnages deviendront, pour de bon, des êtres de papier. Derrière cette prise d'indépendance, il y a une forme d'héroïsation du créateur de bande dessinée. Celui-ci est digne désormais de faire concurrence aux pilotes et aux journalistes de l'âge d'or. Et de donner envie à une jeune génération qui, à l'image de Zep, trouvait dans le Gang Mazda une représentation unique du métier de dessinateur. Plus généralement, pour le lecteur que j'étais au début des années 1990, les aventures de Marc, Christian et Bernard offraient l'impression unique d'un morceau de vie, de la vraie vie, transcrite dans la forme intemporelle du classicisme belge. Ce n'était plus Gaston, ce héros sans emploi : ceux-là avaient un statut social, qu'ils défendaient tant bien que mal, et les problèmes de la vie de tous les jours. Mais sublimés par un enthousiasme débordant, et toujours entourés de jolies filles en petite tenue. La vie de bohème, comme seul un artiste pouvait la vivre. Cette bonne humeur très réaliste méritait bien de voir prolonger un peu son existence. Dupuis lui consacre une double intégrale qui ne ravira pas seulement les nostalgiques. On trouvera dans le premier tome, outre les gags scénarisés par Hislaire et le passage de relais à Tome, un riche entretien avec les deux créateurs qui nous apprend, entre de nombreuses anecdotes, le pourquoi des couleurs sombres de Sambre ou les secrets de la vie nocturne bruxelloise. Clément Lemoine ( Mis en ligne le 28/03/2015 ) |
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