L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Le Roman d’un gland - Albin à la capitale
de Samos
La Boîte à Bulles 2015 /  18 €- 117.9  ffr. / 96 pages
ISBN : 978-2-84953-210-2
FORMAT : 1§,5x24 cm

Noir et gland

C’est une histoire comme il en arrive tous les jours. Albin est heureux en couple avec Mathilde, même si un observateur objectif se rendrait compte qu’elle est un peu moins heureuse que lui. Vient le jour où Mathilde doit déménager, et elle en profite pour rompre. Perdu, Albin va découvrir les affres de la solitude. Montant à Paris à son tour, il promènera son chagrin de célibataire de rue en rue, à la recherche de son ancienne ou d’une nouvelle âme sœur qui lui redonnerait un peu d’estime de soi.

Ce quotidien est l’objet d’une ribambelle de gags, de courts récits et de tranches de vie, rassemblés dans un réjouissant recueil aux éditions de la Boîte à Bulles. Précisons que l’auteur de ces lignes n’y est pas vraiment étranger, puisqu’il a contribué au scénario d’une double page et à la publication de plusieurs autres dans les recueils des éditions Onapratut. En effet, à l’origine de ce livre, il y a la foule hétéroclite des travaux de Samos depuis 2004, parus ici ou là dans des collectifs, sur son blog ou dans le magazine Psikopat.

Conséquence de cette genèse complexe, on sent dans de nombreux récits la marque du temps. De page en page, le dessin de Samos s’arrondit ou s’affine, en dépit de toute chronologie. Parfois les vignettes se conjuguent en couleurs, d’autres fois en noir et blanc. Les jeux avec le lecteur se succèdent. Comme la marque d’une renouvellement permanent, d’un combat contre la monotonie du quotidien. Chaque matin, Albin se réinvente, devant son miroir, un trait en plus ou un sourire en moins. Et dans ces variations, nous découvrons un panaché de styles et de formes allant tous dans la même direction.

Pour autant, cet alignement de récits fait sens : Albin, le loser, trouvera-t-il au bout de ce livre une raison de retrouver la foi dans l’existence ? La réorganisation des histoires pose un enjeu touchant, et on se prend avec vibrer, avec lui, sur ses chances dans un amour durable.
La trame est pourtant loin d’être banale. D’abord par l’ancrage géographique : pour Albin, ce voyage amoureux prend la forme du voyage à Paris. Les étapes de la découverte, de l’espoir, du renoncement, se concrétisent dans son rapport avec la ville-lumière, qui l’illumine autant qu’elle l’aveugle. Cet alignement de l’âme et du corps dans des espaces solitaires transforme le gag mélancolique en satire de la vie citadine.
Autre originalité, Samos n’a pas peur de faire dans le cru. On pense parfois à Joe Matt pour ce déshabillage candide. Le sexe, son obsession, sa nécessité, reviennent à tout bout de champ dans les cases, même si Albin en sort toujours avec une innocence intacte. D’où un humour parfois gras, souvent fin, toujours noir.

Sans rien savoir de la vie de Samos, on devine, bien sûr, la part d’autobiographie dans cet album. On ne rit bien que de ce qu’on connaît, et le dessinateur a dû assez côtoyer la solitude pour en faire un thème de gags. C’est une raison de plus d’apprécier la conclusion positive, lors de laquelle notre jeune héros trouve enfin le bonheur. À moins que le récit ne soit qu’une boucle continue et que l’amour ne soit qu’un cynisme de plus ?

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 03/05/2015 )
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