L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Barnaby
de Crockett Johnson
Actes Sud - l'An 2 2015 /  35 €- 229.25  ffr. / 320 pages
ISBN : 9782330056247
FORMAT : 17x26,5 cm

Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Harry Morgan
Introduction de Chris Ware


Cushlamochree !

Barnaby Baxter est un petit garçon très imaginatif, habitant dans l’Angleterre du Blitz et de la guerre… Papa appartient à la défense civile et maman gère l’intendance. La voisine pourrait s’appeler Dorothy et être amenée à recoudre une ombre, ou bien à visiter de vieilles armoires… mais non, Barnaby a d’autres amis, et notamment un ami étrange, peut être même imaginaire : M. O’Malley, son parrain-fée. Alors oui, on a tous rêvé d’une marraine fée, créature à la fois douce, puissante et maternelle… le parrain-fée est plus rustique. O’Malley est un homme bedonnant, une version féérique de Churchill, avec cigare et chapeau mou, un esprit bon vivant, vaguement étourdi et gaffeur, pas forcément très doué en magie, mais toujours prêt à rendre service (surtout si il y a une récompense mangeable à la clef). Dire que M. O’Malley est la meilleure chose qui puisse arriver à Barnaby est sans doute exagéré, mais un ami comme ça, qui vous aide à découvrir des complots nazis, qui vous procure des haricots magiques, expérimente les techniques du père Noël, fréquente des fantômes, des chiens parlant ou des géants mentaux et vous aide à lutter contre les espions, c’est quand même bien quand on s’embête.

Chris Ware est fan, Art Spiegelman aussi, et Bill Watterson s’en est inspiré pour Calvin et Hobbes… Whate else ? Publié sous forme de comics strip dans le New Yorker entre 1942 et 1943, Barnaby, de Crockett Johnson, s’avère un classique du genre, au niveau de Little Nemo, Krazy Kat et autres Peanuts, un classique méconnu en France et que cette anthologie luxueusement présentée, et dotée d’une introduction scientifique de Jeet Heere ainsi que d’un appareil critique très complet, révèle. Le thème – l’ami imaginaire, à la réalité tout de même ambigüe – est magnifiquement rendu, dans un style sobre, ligne claire et décor minimaliste, avec des chutes également assez minimaliste, un humour qui hésite entre l’absurde, le second degré et le candide. Le personnage d’O’Malley, au style si emphatique, constitue l’attrait majeur de ce strip, comme un cousin magique d’Achille Talon, en plus douteux. Mais ce qui fait également le charme de cette série, c’est son côté très daté : on est en guerre, mondiale, et le quotidien de Barnaby, c’est celui d’un petit garçon nourri au conte de fées et parasité par le temps de guerre, avec ses menaces, ses dangers, ses soupçons (la 5e colonne). Le résultat est assez éclairant, sur la manière dont la guerre totale prend à partie les enfants, les façonne pour garder un œil sur les adultes. Avec son look churchillien, O’Malley fait un bon directeur de conscience, et aide le jeune Barnaby à jouer sa partition dans le concert de la défense patriotique. Un peu de patriotisme ne nuit pas à la fantasy de l’ensemble, et pour le lecteur contemporain, c’est, en tous les cas, une vraie découverte et l’un de ces beaux livres qu’on aime feuilleter un soir d’hiver.

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 01/12/2015 )
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