L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

A tous les coups c'est Spirou
de Al Séverin
Dupuis 2016 /  20.50 €- 134.28  ffr. / 48 pages
ISBN : 9782800169040
FORMAT : 32x24 cm

Groom with a view

Les albums de Spirou sont désormais d'une telle régularité qu'on trouve dans les nouveautés, outre la série-mère, la série des Aventures par... et les intégrales, des publications hors-série qui paraissent hors de tout contexte éditorial. C'est le cas de ce joyeux A tous les coups c'est Spirou, signé par Al Séverin, dont les deux éditions de Spirou sous le manteau ont fait un auteur remarqué, et remarquable, des hommages contemporains.

Trois courts récits, d'abord offerts séparément aux abonnés du magazine avant d'être ici rassemblés, nous permettent enfin de redécouvrir de véritables bandes dessinées d'un dessinateur trop rare. Il ne fallait pas moins qu'un personnage-icône de la bande dessinée belge pour ramener aux histoires en image ce formidable illustrateur rétro, qu'on croyait déjà perdu pour la cause.

Il est curieux que les reprises les plus réussies de Spirou soient d'abord celles qui le plongent dans un bain de jouvence historique : Séverin rejoint Bravo, Yann et Schwartz comme aventurier de la seconde guerre mondiale, à mi-chemin entre pastiche et modernité. En parcourant ces planches, on pense bien sûr à Jijé, mais aussi à Chaland et à l'école américaine, que Séverin connaît bien. Le récit, léger et désinvolte, n'est que prétexte à la fantaisie du dessin au gré de gags visuels.
Saluons aussi la grande cohérence de l'ouvrage, soigné dans les moindres recoins, y compris dans les gardes et les mentions spéciales. Le choix de la bichromie, ou du noir et blanc tramé selon les histoires, fait preuve de la même ambition esthétique qui réjouira le puriste. Pas de fausse séduction ici. Séverin ne cherche pas de vain artifice pour accrocher le lecteur. Mais chaque image, chaque geste est plein d'une savante réflexion.
Le noir et blanc transforme aussi notre polarisation: on a l'habitude que ce soit le costume rouge de Spirou qui nous rappelle, contre vents et marées, quelle série on est en train de lire. Par la force des choses, c'est ici la coiffure de Fantasio qui incarne l'identité visuelle. Pas d'étonnement dès lors si nous nous trouvons en terre de gaffe. Ni grande aventure, ni danger haletant. Un quotidien stylisé qui joue avec lui-même.
Spirou et Fantasio y prennent l'allure de deux fumistes, d'abord sans attaches, errant dans une ville hors de tout espace-temps. Mais de récits en récits, aux scénarios de plus en plus convaincants, nous trouvons des hommages à la turbotraction, à la Quick Super, aux Amis de Spirou, à leur condition de journaliste, puis au parc de Champignac et à la jeep. C'est toute l'épopée de Franquin qui finit par resurgir, y compris dans des scènes revisitées des moustiques de Champignac ou de la toilette matinale, mais repensée avec un brin d'ironie.

Séverin, dont les rares déclarations médiatiques traduisaient plutôt un regard moraliste et réactionnaire, se montre ici coquin, plaisantin, primesautier. Un bol d'air frais, une liberté joyeuse, qu'il ne faudrait pas réserver aux amateurs éclairés.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 14/11/2016 )
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