L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Vieille peau

 10.95 €- 71.72  ffr. / 48 pages
ISBN : 978-2352078142
FORMAT : 29,3x22,6 cm

Old timer

On a beaucoup écrit sur la vieillesse, mais on l'a paradoxalement peu
dessinée, les Charlier et consorts ayant toujours préféré l'énergie des
jeunes années de leurs héros. Blueberry 1900 ne verra jamais le jour,
pas plus qu'un vieux Lucky Luke.

Le bloggeur autobiographique, lui, n'a pas la même possibilité. Pochep,
pourtant encore loin d'être cacochyme, a donc décidé d'en faire un de ses
thèmes récurrents, et lui consacre tout son dernier livre. Vieille
peau
nous raconte les malheurs d'un dessinateur de bande dessinée de
cinquante ans qui doit renoncer, bon gré mal gré, au meilleur de son corps.
Pochep s'essaye ici à la musculation, soigne son alimentation, compte ses
poils blancs et disserte sur la courbe du temps. Par la bande, il y traite
aussi d'homosexualité, dont il a fait un thème essentiel de son travail au
fil des années : un sticker « le gay du futur » sur la couverture résume le
concept.
Jouant sur la figure autobiographique sans se prendre au sérieux, le
dessinateur se transforme en une figure littéraire peu commune, le vieux
gay. D'un récit à l'autre, son corps s'affaisse ou se redresse, se déforme
ou se reconstitue. Mais il garde toujours ce visage grotesque et jaunâtre,
qui surprend toujours ceux qui comme moi connaissent Pochep en personne,
mais dont la réussite est indéniable. Ce masque détonne avec toutes les
situations, et s'avère irrésistible quand il est posé sur le corps de
Beyoncé ou de Mylène Farmer.

Pochep semble d'ailleurs toujours faire évoluer son graphisme, tout en le
limitant à l'essentiel. Il réduit généralement le décor au strict minimum,
se concentrant sur les personnages dont il utilise l'ensemble du corps comme
d'une caricature. L'allure définitive est donnée par quelques schémas et un
traitement numérique général, qui font de ses planches un pop-art des années
2010. Il parvient ainsi à un style assez unique en son genre, auquel il est
difficile d'attribuer des influences nettes. Le
traitement des dialogues dans un style ampoulé (« mon existence est une
rivière qui ne charrie que du tracas »), donne un peu de densité au dessin
tout en ajoutant à l'ironie.

L'autodérision est constante, sans pour autant remettre en question un
discours principal qui est justement celui de la lucidité et de la
décrépitude assumée. Pochep pratique l'humour noir, à ceci près que souvent
le noir l'emporte sur l'humour. Il ne cherche pas forcément le gag, mais
appuie là où ça fait mal, traitant son personnage comme un punching-ball,
refusant tout apitoiement. Cela ne l'empêche pas de dessiner des scènes
vraiment drôles, comme celles qui mettent en scène Rahan et où il exerce son
goût pour la parodie.

En s'arrachant les croûtes, il nous oblige à faire face à nos propres
artères. Quitte à imaginer, le temps d'une histoire, une apaisante île de la
pantoufle, il nous encourage surtout à grincer des dents tant qu'on en a
encore.

Clément Lemoine
( Mis en ligne le 23/09/2017 )
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