L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Le Pauvre Chevalier
de F'murrr
Dargaud 2003 /  9.45 €- 61.9  ffr. / 60 pages
ISBN : 2-205-05550-X
FORMAT : 22,5 x 29,5 cm

Sacré Graal

Le temps d’une histoire, F’Murrr (avec trois "r") s’éloigne de la série qui l’a rendu célèbre, Le Génie des Alpages, pour nous conter avec son permanent sens de la fantaisie cette délirante fresque moyen-âgeuse, croisement réussi entre les Monty Pythons et une chanson de Roland qui déraille.

L’aventure du Baron Nul, dit aussi Seigneur de Camelote, n’a pas son équivalent dans la littérature médiévale. Et pour cause, le pauvre chevalier en question est une tête à claques indépassable, un porteur de poisse inégalable. Involontairement témoin d’une idylle entre la reine et un chevalier de la Table ronde, le voilà banni par le roi, dépossédé de tous ses biens, et bon seulement à dormir dans la niche du chien après avoir mangé sa pâtée. Avec tout le poids du monde sur ses maigres épaules, le voilà chevalier errant sur les routes, en quête d’une toujours plus lointaine et incertaine sérénité. C’est qu’il est énervant ce Baron ! Il se pose des questions métaphysiques au beau milieu d’une épique bataille, il n’en finit plus de raconter ses malheurs qui font pleurer jusqu’à son cheval, et il ne trouve décidément pas sa place dans cette société violente et impitoyable.

Sacré "meilleur album d’humour" au festival d’Angoulême de 1991, Le Pauvre Chevalier s’appuie sur des situations absurdes, des jeux de langage, et des légendes revisitées (apparition d’un Robin des Boîtes débile et d’une soiffarde Jehanne d’Arque). Les dialogues sont souvent très drôles, et le personnage de ce malheureux chevalier devient touchant à force d’être pitoyable. Ses interrogations sur le sens de la vie faisant de lui un philosophe maladroit, mais qui a toutefois le mérite de se poser des questions. Hélas ! Candide sans son Pangloss, ses questions resteront sans réponse et sa quête, vide de sens, ne pourra se conclure que comme elle a commencé, dans l’absurde le plus total.

La mise en page ample et aérée permet à F’Murrr de jouer sur les arrières-plans où, dans la grande tradition de la bande dessinée humoristique des années 70, il se passe toujours quelque chose. La lecture de certaines planches devant se faire à tâtons si l’on veut être sûr de ne rien rater de cette chanson de geste loufoque et déjantée. On pourra toutefois regretter une mise en couleurs un peu vieillotte qui semble dater l’album plus qu’il ne le faudrait. Le noir et blanc de Jehanne d’Arque était ainsi beaucoup plus efficace en mettant en valeur le graphisme à la fois sec et débridé de F’Murrr.

Regroupant deux épisodes publiés à l’origine dans le mythique (A suivre...), cette réédition se placera en bonne position à côté d’autres délires médiévalo-parodiques comme la récente Légende de Robin des Bois de Larcenet.

Alexis Laballery
( Mis en ligne le 07/11/2003 )
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