L'actualité du livre
Bande dessinéeet Humour  

Rat's (tome 8) - Tout baigne
de Ptiluc
Les Humanoïdes associés 2006 /  9.45 €- 61.9  ffr. / 48 pages
ISBN : 273161787X
FORMAT : 23 x 30 cm

Irrécupérables

Dans une bédéthèque, Ptiluc est un cas à part : c’est-à-dire qu’on ne sait jamais si on doit rire ou pleurer à l’issue de chaque nouvel album. Toute idée de happy end, d’espoir, d’optimisme, de foi en l’humanité (dans sa version rat, cochon, batracien…) est à écarter de cette série où l’humour noir et l’ironie cynique atteignent des sommets inégalés, par un maître du genre (il faut lire La foire aux cochons pour avoir un aperçu rapide de ce talent si original). Avec Tout baigne, huitième tome de la série Rat’s, Ptiluc entraîne son lecteur dans une croisière qui s’amuse modérément, qui prend assez souvent l’eau, une croisière qui vire radeau de la Méduse…

A ma droite, les Rats, obstinés, sans scrupules, décidés à parvenir, par tous les moyens à une île « paradisiaque » ou supposée telle (un pur fantasme censé motiver les masses laborieuses ?). Et, les amateurs de cette série le savent, tous les moyens sont bons, jusqu’à utiliser/réduire en un esclavage à peine déguisé, les autres races (tels les castors). A ma gauche, les Crapauds, tout aussi décidés à interdire aux Rats l’accès à cette fameuse île (et à la mer en général). La bagarre, qui dure depuis quelques albums, continue sur mer : les Rats ont développé la marine à voile et, tels des Christophe Colomb poilus, ont embarqués sur trois caraques. Mais les Crapauds, réfugiés dans une base secrète sous-marine (un cochon en décomposition…), utilisent dytiques (en ordinateurs portables insubmersibles) et ténias (en arme secrète ou périscope) pour vaincre la horde flottante des Rats. La bataille fait rage dans un climat de plus en plus luxurieux tandis que, débarqué par les uns et méprisé par les autres, l’intellectuel de la bande, flottant seul sur l’onde morne, fait la chronique de ce conflit désespérant… Homère a dû se sentir aussi seul, par moments.

Ptiluc est une valeur sûre et ce nouvel opus est aussi réussi – c’est-à-dire à la fois drôle, méchant et un tantinet déprimant – que les précédents. Le graphisme de Ptiluc est assez connu pour qu’on ne lui jette pas à nouveau des fleurs : disons que le dessinateur pratique le détournement de bande dessinée animalière à des fins parfaitement malhonnêtes et politiquement incorrectes, tendance anar sans illusion. Les personnages, tout ronds, tout en sourires, semblent tout mignons : illusion trompeuse, ils sont aussi ignobles les uns que les autres. Quant au scénario, il y a quelques trouvailles d’anthologie (la base secrète cochon ou les peaux de rat transformées en bateau gonflable) qui font attendre avec impatience la suite de cette odyssée (l’île, Mr Ptiluc…). C’est quand qu’on va où ? Si c’est pas malheureux de rire comme ça du malheur des bêtes !

Gilles Ferragu
( Mis en ligne le 23/05/2006 )
Droits de reproduction et de diffusion réservés © Parutions 2024
www.parutions.com

(fermer cette fenêtre)