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Bande dessinéeet Humour  

Le Fléau de Dieu - Une aventure rocambolesque d’Attila le Hun
de Manu Larcenet et Daniel Casanave
Dargaud - Poisson Pilote 2006 /  9.80 €- 64.19  ffr.
ISBN : 2205058134

Oui, un fléau !

Les plus grands peuvent trébucher : c’est ce qui arrive à Manu Larcenet dans ce Fléau de Dieu, troisième des aventures rocambolesques dans lesquelles Larcenet nous livre une lecture bien personnelle de personnages mythiques : ici Attila, précédemment Freud et Van Gogh.

L’idée de départ est simple : choisir un personnage qui a marqué l’inconscient collectif, et détourner cette image convenue en lui inventant une tranche de vie totalement décalée. Ainsi Freud tentait de répandre dans le far-west la bonne parole de la psychanalyse, et Van Gogh se retrouvait dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. La première aventure rocambolesque était détonante d’humour, la deuxième plus poétique et sensible. Ici, sur le mode du conte philosophique, Larcenet se perd dans un humour lourd (le running gag du barbare dur d’oreille, le délégué syndical de la bande, l’agaçant compagnon d’errance qui finit démembré et décapité…) que ne sauve pas la mince trame de la quête d’Attila.

Attila est las : maintenant qu’il a conquis le monde, il ne trouve plus de sens à sa vie. «Le monde est à moi… mais c’est étrange… je ne ressens toujours rien.» Le mythique chef sanguinaire nous fait tout simplement une grosse dépression. Abandonnant ses troupes, il part, erre, et décide de se suicider. Mais les dieux ne l’entendent pas de cette oreille : ils lui « offrent » l’immortalité. Attila devra donc vivre. Il ne lui reste plus alors qu'à rechercher Dieu pour réclamer justice : qu’il lui permette de « vivre en paix » ou de « mourir dignement ». A 10 pages de la fin, le face-à-face finit par avoir lieu, mais ne débouchera pas sur grand-chose.

Larcenet nous a tant de fois conquis soit par son humour (Le temps de chien, La légende de Robin des Bois), soit par sa sensibilité (Le Combat ordinaire), parfois même grâce aux deux (Le Retour à la Terre), qu’on est cruellement déçu en découvrant cet album. On s’ennuie, on attend l’éclat, qui ne viendra pas. Le scénario s’éparpille, peu exigeant, peu ambitieux. Il y avait pourtant matière à s’exprimer, sur un thème aussi fort que le sens de la vie ! On est devant la copie d’un brillant élève qui ne s’est pas foulé (dans la même veine, d’ailleurs, mais en pire encore, signalons le récent Célébritiz scénarisé par Lewis Trondheim, chez Poisson Pilote, tout à fait affligeant). Dommage pour le lecteur, dommage aussi pour Daniel Casanave (Macbeth, L’Histoire du soldat), dont le talent aurait mérité un meilleur scénario. A oublier !

Anne Bleuzen
( Mis en ligne le 31/05/2006 )
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