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Bande dessinéeet Humour  

Les Tuniques Bleues (n°50) - La traque
de Raoul Cauvin et Lambil
Dupuis 2006 /  8.50 €- 55.68  ffr. / 48 pages
ISBN : 2-8001-3846-7
FORMAT : 21 x 30 cm

Un coffret collector comprenant l'album, un livret de 32 pages et un jeu de cartes est également disponible au prix de 19 euros.

Routine militaire

5 ans de guerre, 50 albums. Avec La traque, le dernier épisode des Tuniques Bleues, les éditions Dupuis célèbrent en grande pompe l’ « anniversaire » d’une de leurs séries emblématiques. Pour marquer le coup, l’album est donc disponible (outre l’édition régulière) sous la forme d’un (volumineux) coffret tiré à 8000 exemplaires, contenant également un petit livret de croquis sympathique (quoique dégoulinant d’auto-promo) et un jeu de cartes (pourquoi pas !). Profitons de l’événement pour revenir sur l’une des oeuvres les plus célèbres de la bande dessinée tous publics.

Créée en 1968 par Raoul Cauvin, le scénariste à moustaches, et – on a tendance à l’oublier – le dessinateur Louis Salvérius, Les Tuniques Bleues était d’abord destinée à combler le vide laissé par Lucky Luke parti galoper chez la concurrence, dans les pages du magazine Spirou. Après quelques histoires courtes mettant en scène le quotidien d’un fort de la cavalerie harcelé par les tribus indiennes, et une première histoire longue (Un chariot dans l’Ouest), l’album Du Nord au Sud définit les grandes lignes de la série. D’une part, les auteurs choisissent de se recentrer sur deux des personnages principaux, au détriment du reste de la troupe : le sergent Chesterfield, gros balourd pas très futé, militaire dans l’âme, et le caporal Blutch, petit malin pacifiste et contestataire, formeront dès lors l’un des plus beaux duos comiques de la bande dessinée franco-belge.
D’autre part, le décor un peu carton-pâte des guerres indiennes laisse la place à une description plus documentée de la guerre de sécession.
Ce changement de cap permet aux auteurs d’aborder des thèmes plus graves, toujours sur un mode léger et humoristique, et de faire passer un message gentiment antimilitariste qui deviendra le fil conducteur de la série.

Dans La traque, Cauvin et Lambil s’intéressent au sort des déserteurs. Le général Grant, furieux que ses soldats fuient l’horreur du champ de bataille les uns après les autres, a décidé d’envoyer les hommes encore présents (et notamment nos deux héros) traquer leurs petits collègues démissionnaires. Un comble pour Blutch qui, lui-même, ne songe qu’à se faire la belle à longueur de journées !

Comme le suggère ce résumé, Cauvin se contente de nous resservir assez paresseusement la soupe habituelle. Le thème de la désertion, abordé dans les premières pages sous un angle un peu nouveau, laisse d’abord augurer d’une histoire intéressante ; dommage que cette piste tourne court après une quinzaine de planches, pour laisser la place à une suite de péripéties un peu décousues, assez fades, avec un fort arrière-goût de déjà-vu. On aurait aimé que le 50ème épisode soit un peu moins routinier. D’autant plus qu’on ne peut pas trop compter sur l’humour pour relever la sauce, l’album étant assez léger de ce côté-là.
En revanche, il convient de saluer le travail remarquable qu’accomplit Willy Lambil depuis 35 ans. Ce vieux monsieur (70 ans cette année) discret et d’une grande modestie, continue de faire preuve à chaque album d’un talent, d’un savoir-faire et d’une capacité de travail peu communs . Ses planches sont l’œuvre d’un artisan maîtrisant son métier sur le bout des doigts, et l’exerçant avec un plaisir communicatif. Les habitués de la série retrouveront cette fois encore l’efficacité de la mise en scène, le dynamisme de l’encrage, les trognes des personnages, les décors soignés et les jolis chevaux, qui font tout le charme du style de Lambil.

Au final, on préférera sans doute relire El Padre, Bull Run ou L’Or du Québec (selon les goûts de chacun) ; il n’empêche que cet album un peu mou se lit sans déplaisir et ne fait pas honte à la série. Parmi les grands classiques à forte longévité (et malgré des hauts et des bas ces dernières années), Les Tuniques Bleues reste malgré tout l’une des séries qui tire le mieux son épingle du jeu.

Michaël Bareyt
( Mis en ligne le 12/09/2006 )
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